Loi sur les PFAS : SEB et ses salariés vont manifester contre leur restriction

Par La rédaction de Deklic , le 1 avril 2024 — pollution - 5 minutes de lecture
SEB - PFAS

Crédit photo : Romain Doucelin/Hans Lucas via AFP

Le fabricant d’électroménager SEB a annoncé une manifestation mercredi 3 avril 2024 devant l’Assemblée nationale, en amont des débats sur la proposition de loi visant à restreindre l’utilisation de nombreux PFAS.

Une bataille dès avant l’hémicycle : alors que les écologistes veulent réduire par une loi l’exposition aux PFAS, dits « polluants éternels », considérés comme un enjeu de santé publique majeur, le groupe d’électroménager SEB, qui en utilise dans la fabrication de certains de ses produits, a brandi dimanche 31 mars 2024 la menace qu’une telle loi ferait peser sur l’emploi.

La direction du groupe d’électroménager sera main dans la main avec les syndicats et plusieurs centaines de salariés pour manifester mercredi devant l’Assemblée nationale et faire ainsi pression sur les députés à la veille du passage en première lecture de cette loi portée par le député EELV de Gironde Nicolas Thierry.

Le groupe a indiqué à l’AFP prévoir à ce stade près de 600 personnes à ce rassemblement, mercredi 3 avril à 14h00 devant l’Assemblée nationale. Des bus viendront de Lourdes (Hautes-Pyrénées), Selongey, Is-sur-Tille (Côte d’Or), Pont-Évêque (Isère), Rumilly (Haute-Savoie), Mayenne (Mayenne), Saint-Lô (Manche) et du siège d’Écully (Rhône), selon la direction.

SEB indique ne pas utiliser de téflon dans ses revêtements antiadhésifs et affirme que les PFAS utilisés notamment dans la fabrication des célèbres poêles Tefal ne présentent pas de danger pour la santé.

Polluants « éternels »

Quasi-indestructibles, les substances per- et polyfluoroalkylées, ou PFAS, massivement utilisées dans l’industrie chimique, s’accumulent avec le temps dans l’air, le sol, les eaux des rivières, la nourriture et jusqu’au corps humain, d’où leur surnom de polluants « éternels ».

Ces molécules sont décrites par certains experts comme « la plus grande menace chimique au XXIe siècle », mais jugées en partie incontournables par l’industrie. La proposition de loi prévoit notamment d’interdire la fabrication et la vente de certains produits qui contiennent des PFAS. Elle sera débattue et soumise au vote des députés jeudi, le lendemain de la manifestation.

Le président du groupe français d’électroménager SEB, Thierry de la Tour d’Artaise, a estimé dimanche que « confondre des composants qui n’ont rien à voir entre eux aboutit à un non-sens », dans un entretien à La Tribune, soulignant que « cela concerne 3000 emplois en France », avec deux sites de production à Rumilly (Haute-Savoie) et Tournus (Saône-et-Loire). « Les produits Tefal -comme tous ceux de SEB- ne contiennent pas de PFAS considérés comme nocifs pour la santé ou l’environnement par les autorités sanitaires », a-t-il ajouté.

Aller plus vite que l’Europe

Lors du rachat de la marque Tefal en 1968, le groupe « a décidé de fabriquer son propre revêtement », en utilisant une autre formule qui permet de coller le revêtement sur l’aluminium, et qui ne contient pas de PFOA, (acide perfluorooctanoïque), composant utilisé autrefois par la société DuPont et incriminé dans des pollutions, notamment aux États-Unis, a indiqué le groupe à l’AFP. La formule utilisée aujourd’hui par SEB contient du PTFE (polytétrafluoroéthène), un autre PFAS dont le groupe affirme qu’il ne présente pas de danger, et est « totalement inerte et insoluble ».

Des arguments jugés « extrêmement fragiles » par le député Nicolas Thierry, auteur du projet de loi, contacté par l’AFP : « le PFOA est de toute façon interdit depuis 2020, et reconnu depuis par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) comme cancérogène pour les humains », a-t-il rappelé. Il ajoute que les autres PFAS utilisés en lieu et place demeurent extrêmement persistants dans l’environnement, lors de la fabrication et la fin de vie des produits.

Concernant les éventuelles conséquences sociales pour SEB d’un bannissement des PFAS, le député a estimé que « l’industriel est pris en flagrant délit de manque d’anticipation », compte tenu des poursuites qui ont touché aux États-Unis des géants de la chimie, dont certains ont payé de très lourdes sommes pour échapper à des procès. 

Dernier en date, le groupe 3M, fabricant notamment du Scotch et des Post-it, a accepté en juin 2023 de verser jusqu’à 12,5 milliards de dollars dans le cadre des poursuites engagées par plusieurs réseaux publics de distribution d’eau potable pour contamination par les PFAS.

L’Union européenne réfléchit à une interdiction des PFAS d’ici 2026 pour tous les États-membres, une démarche soutenue par la France. Mais selon Nicolas Thierry, les États-membres n’auront l’obligation de contrôler que vingt PFAS sur des centaines répertoriés. Un rapport parlementaire réalisé à la demande du gouvernement, publié en février, recommande de « faire cesser urgemment les rejets industriels » contenant des polluants éternels, « sans attendre de restriction européenne ».

(Avec AFP)

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