Pesticides : l’appel de plus de 700 soignants face au déni des connaissances scientifiques
Dans le cadre de la 19e édition de la Semaine pour les alternatives aux pesticides coordonnée par l’association Générations Futures, plus de 700 soignants ont signé ce jeudi 28 mars un appel à l’initiative de l’association Alerte des Médecins sur les Pesticides. Ils expriment collectivement leur indignation face au déni des connaissances scientifiques dans les décisions gouvernementales en réponse à la crise agricole et appellent à l’action.
Rappel à l’ordre. Des centaines de représentants du monde médical appellent à une mobilisation des soignants pour promouvoir une agriculture respectueuse du vivant. Alors que le gouvernement a mis en pause début février le plan Ecophyto visant à réduire de moitié l’usage des pesticides d’ici 2030 par rapport à la période 2015-2017 et répondu aux désidératas de l’agriculture productiviste, ces mesures sont jugées « irresponsables » par les signataires de l’appel, au regard des preuves scientifiques sur les impacts des produits phytosanitaires sur la biodiversité et la santé humaine.
Cet appel des soignants est ainsi « un appel à l’action, pour faire avancer, avec d’autres, la prévention des effets sanitaires liés à l’usage des pesticides » partagent-ils dans un communiqué publié ce jour. La démarche s’inscrit « dans un cadre plus global attentif aux conditions de production de l’alimentation et aux effets écotoxicologiques impactant la biodiversité, en solidarité totale avec les mondes agricoles engagés dans la protection du vivant ». Infirmiers, sages-femmes, orthophonistes ou encore médecins sont invités par les signataires à les rejoindre afin de faire progresser les questions de santé publique.
Une santé, Deux expertises
Les mots ont-ils encore un sens ? La question se pose chez les soignants alors que le concept d’une « seule santé » (« One Health ») qui avait émergé ces dernières décennies pour lier la santé des écosystèmes et celle des humains, semble avoir été balayée d’un revers de main.
Ceux présentés au sein deux expertises scientifiques sur lesquelles s’appuie les signataires dans le cadre de leur appel – l’une de l’INRAE portant sur le lien entre l’exposition aux pesticides et la biodiversité, et l’autre par l’INSERM sur le lien entre l’exposition aux pesticides et la santé humaine – sont en revanche plutôt clairs. Les produits phytosanitaires ont des effets délétères sur les organismes vivants. Pour les soignants, les mesures prises par le gouvernement sont d’autant plus « incompréhensibles », que ce sont ses ministères eux-mêmes qui ont demandé la réalisation de ces expertises.
« C’est vraiment frappant pour nous de voir que l’expertise collective INSERM et l’expertise INRAE et IFRAMER arrivent aux mêmes conclusions » partage dans la matinée le médecin Rémi Mazurier lors d’un point presse. « C’est-à-dire que deux mondes qui ne se côtoient pas dans leur quotidien et dans leur milieu de recherche, le monde de l’écotoxicologie, le monde des agronomes, arrivent aux mêmes conclusions que le milieu de la santé humaine. C’est une des raisons pour lesquelles on lance cet appel », souligne-t-il.
Pierre-michel Périnaud, médecin et Président d’Alerte des Médecins sur les Pesticides précise à ce titre que « ces données scientifiques sont des faits, pas de simples opinions. Ils reposent sur des expertises collectives. L’expertise INSERM, c’est aussi 5 000 références scientifiques ». Devant le déni de ces connaissances, « le choix politique de leur mise au rancart est pour nous absolument inacceptable », déplore-t-il.
Cinq grands chantiers
Si l’appel des soignants est un appel d’indignation, c’est aussi un appel à la mobilisation. Les signataires proposent de travailler de façon concrète sur cinq chantiers.
Ils préconisent de mettre en place les « ordonnances vertes » visant à fournir aux femmes enceintes un panier de légumes bio toute la durée de la grossesse, associées à une information sur les perturbateurs endocriniens ; de considérer l’alimentation biologique et locale comme outil de santé publique alors que la nourriture est la principale source de contamination par les pesticides selon l’OMS ; de renforcer la réglementation sur les pesticides à l’heure où les États européens ont renouvelé l’autorisation du glyphosate pour dix ans ; de protéger les riverains contre la dérive des pesticides là où le ministère est jusqu’ici resté sourd à leur demande de protection des écoles ; et enfin d’agir en matière de maladies professionnelles, celles-ci étant en majorité sous déclarées et/ou non-reconnues.
Pour s’attaquer à ces travaux de grande ampleur, les soignants se disent prêts à « se retrousser les manches ». Par où commencer ? « On va contacter nos signataires et leur proposer des ateliers de travail » explique Pierre-michel Périnaud, « c’est-à-dire des ateliers dans lesquels on proposera du fond : pourquoi faut-il informer les femmes enceintes, par exemple, du danger des perturbateurs endocriniens ? Où est-ce que vous pouvez trouver cette information ? ». L’idée est également de les mettre en relation avec des confrères, des collègues qui ont concrètement mis en place ces ordonnances vertes, par exemple.
« On ne veut pas en rester à l’indignation et on veut, dans notre cadre de travail et de compétences, faire avancer ces dossiers » assure le président de Président d’Alerte des Médecins sur les Pesticides. Appel en cours.
À lire aussi :
Pesticides : une version définitive du plan Ecophyto présentée début avril
Glyphosate : Théo Grataloup indemnisé pour des malformations « in utero » imputées à l’herbicide