Prix de l’électricité : le gouvernement veut s’attaquer aux fournisseurs « voyous » dans un marché en crise
Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, a convoqué les acteurs français du secteur de l’électricité lors d’une réunion spéciale début septembre. À l’ordre du jour : «faire le ménage» entre les bons et mauvais fournisseurs et les forcer à mieux communiquer.
Une stratégie de communication qui permet de pointer l’attention vers les fournisseurs, accusés d’être les « méchants » de l’inflation. Or, s’il existe effectivement des « voyous », rappelons que les fournisseurs ne sont que des intermédiaires devant jongler entre crise énergétique (c’est-à-dire explosion des prix permanentes dus notamment aux impacts de la guerre en Ukraine, au retard prix sur le développement du parc nucléaire…) et opacité des aides gouvernementales à venir pour atténuer ces prix.
Autour de la table ce vendredi 8 septembre, beaucoup de monde : trois associations de consommateurs, de nombreux fournisseurs d’électricité, les fédérations professionnelles représentatives des fournisseurs d’énergie, Emmanuelle Wargon, Présidente de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), les médiateurs de l’énergie des particuliers et des entreprises, la Répression des fraudes (DGCCRF), ainsi que d’autres services de l’État. Mais l’heure n’est pas à la fête. Si la ministre a tenu à tous les réunir ici, c’est pour « aborder les difficultés rencontrées sur les contrats d’électricité et apporter des solutions opérationnelles rapides ». Dans un contexte de hausse des prix de l’électricité, les conflits qui opposent fournisseurs et consommateurs ont grimpé en flèche. Rien qu’en 2022, 30 558 litiges avaient déjà été enregistrés par le médiateur national de l’énergie. Face aux dérives, la ministre a annoncé un « durcissement du traitement » des quelques fournisseurs ne respectant pas leur « devoir » d’informer les consommateurs sur les contrats et tarifs. Mme Pannier-Runacher y voit aussi un manquement au principe de « loyauté » qui décrédibilise la filière au détriment des acteurs plus vertueux. Considérant qu’il y avait « trop de brebis galeuses », la ministre a déclaré qu’il fallait littéralement « faire le ménage » parmi les « fournisseurs voyous ».
Plus de surveillance
Et pour cause, dernièrement, les témoignages de clients floués se sont enchaînés aussi vite que les problèmes de surfacturation. En août, ce sont quelque 100 000 clients qui avaient été lésés dans leurs factures par le fournisseur d’électricité ENI, selon le ministère. Après avoir reconnu ses erreurs, certaines mesures de protection gouvernementale n’ayant pas été appliquées, l’entreprise avait déboursé 50 millions d’euros pour corriger le tir.
Engie aussi s’est attiré la foudre de quelques clients. A l’antenne sur RMC fin d’août, une cliente s’est plainte d’avoir reçu une facture qui double avec 1650 euros à payer. Réponse en direct de la ministre de la Transition énergétique. « Il semblerait qu’on soit dans une situation différente d’ENI. Engie avait des contrats qui étaient extrêmement avantageux, qui avaient été conclus au moment où le prix de l’électricité était au plus bas, dont bénéficiaient beaucoup de ses clients. Ils ont ensuite vu le prix flamber parce que le prix de l’électricité a augmenté sur les marchés. Là, j’ai demandé à Engie qu’on vérifie qu’il n’y ait pas d’anomalie, que les clients ont bien été informés. Un défaut d’information, c’est aussi sanctionnable. Ce que nous dit Engie, et on vérifiera, c’est qu’il y a bien eu des SMS, des appels, et pas seulement juste un papier qu’on vous envoie entre deux factures quand vous rentrez de vacances… Et ensuite, il faut qu’Engie traite au cas par cas avec des échéanciers qui permettent aux gens de pouvoir payer leur facture, en fonction de leurs moyens. Ça peut être sur un certain nombre de mois. »
Si les cas ENI et d’Engie semblent résolus, trois autres fournisseurs alternatifs d’électricité sont toujours dans le viseur du gendarme de l’énergie, la CRE. D’après la commission, alors qu’ils avaient bénéficié de prix avantageux de l’électricité octroyés par EDF, ceux-ci n’ont pas été répercutés sur les factures de leurs clients, contrairement à leurs engagements. Ce genre de méthodes n’est visiblement pas au goût de la ministre de la Transition énergétique. « Sur un sujet d’avenir comme l’électricité, il est essentiel de préserver la confiance des Français dans leurs fournisseurs. (…) J’ai demandé à la CRE, aux médiateurs de l’énergie et des entreprises ainsi qu’à la DGCCRF, chacun dans leur domaine, de veiller à faire strictement respecter les règles du jeu et sanctionner le cas échéant les abus, en lien avec les associations de consommateurs». Désormais, « si un fournisseur franchit la ligne rouge, il sera sanctionné » a-t-elle encore confirmé le lendemain au micro de France inter. À date, aucune condamnation n’a été prononcée, mais des enquêtes sont en cours.
Plus de transparence
Pour Agnès Pannier-Runacher, si cela prend de telles proportions, c’est que la communication actuelle des fournisseurs est « illisible ». Aussi leur a-t-il été demandé de « mieux communiquer sur les prix de l’énergie» et, au passage, de mieux mettre en valeur l’action gouvernementale. Pour ce faire, la ministre les a sommés de « diffuser d’ici la fin septembre un guide précisant les informations qui doivent être mises à disposition des consommateurs par les fournisseurs lors des souscriptions d’offres ou lors des modifications tarifaires en cours de contrat pour permettre aux consommateurs de prendre leur décision en toute connaissance de cause ». En parallèle, le médiateur de l’énergie ajoutera dans son comparateur, des informations quant aux pratiques commerciales des fournisseurs. Enfin, un groupe de travail proposera un certain nombre de mesures juridiques visant à renforcer la protection des particuliers sur le marché de la fourniture d’électricité.
Mieux communiquer, mais une hausse des prix encore incertaine
Si cette annonce se veut rassurante pour les consommateurs, du côté des fournisseurs, c’est plutôt l’inverse. Ces derniers affichent des inquiétudes, la planification des futures aides gouvernementales dont va dépendre leur communication sur du moyen et long terme, n’étant pas encore dévoilée. Faute de connaître les prix finaux à venir pour 2024, les rumeurs vont bon train. Le matin du 14 septembre, la présidente de la CRE Emmanuelle Wargon s’est avancée sur une possible augmentation du tarif réglementé de vente (TRV) de l’électricité en France de l’ordre de 10 à 20 %. Une information vite démentie par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire qui a assuré qu’une telle hausse « comme indiqué par la présidente de la CRE est exclue ». La réévaluation réelle du prix, dépendante du gouvernement, ne sera pas confirmée avant la fin de l’année.
Alors, comment mieux communiquer au sein d’un tel brouillard ? En réponse, les fournisseurs de bonne foi pourraient être tentés de renvoyer la balle aux pouvoirs publics, en leur rappelant aussi que la crise énergétique française provoquée par la guerre en Ukraine et l’indisponibilité d’une partie du parc nucléaire français pendant et après le Covid, auraient pu être davantage anticipée ; et leur demandant expressément un retro-planning toute transparence des aides à venir pour les mois à venir.
Ce vendredi 15 septembre, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, invitée sur Cnews a ainsi assuré qu’il n’y aurait pas de hausse des tarifs de l’électricité au-delà de 10 % « sur l’ensemble de l’année 2024 ». Cependant, elle a confirmé que le bouclier tarifaire serait « progressivement» retiré l’année prochaine. Reste à connaître les détails derrière cet adverbe graduel. A suivre !
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