« Restez à la maison » : Téhéran suffoque sous la pollution
Les écoliers et certains fonctionnaires ont reçu l’ordre de « rester à la maison » cette semaine à Téhéran, de nouveau asphyxié par la pollution atmosphérique, un phénomène récurent en hiver qui s’aggrave d’année en année.
Les quelque neuf millions d’habitants de la capitale iranienne ne sont pas les seuls : « l’alerte rouge pollution » a été déclenchée ces derniers jours dans la plupart des grandes villes, d’Ispahan à Tabriz.
A Téhéran, les écoles et collèges sont fermés depuis dimanche 3 décembre 2023 et les cours dispensés en ligne.
Les populations « sensibles », c’est à dire les enfants, les personnes âgées, les femmes enceintes…, « doivent éviter de sortir dehors et de faire de l’exercice physique », indique la province, qui appelle également les fonctionnaires ayant une santé fragile à télétravailler.
« La situation est horrible. La gorge me gratte dès que je sors dans la rue », témoigne Azam Keyvan, une employée de 40 ans qui n’a « pas pu faire de sport depuis plusieurs jours ». « On ne peut plus respirer », renchérit Saeed Sattari, qui vend des plats cuisinés dans la rue. Comme les gens évitent de sortir, « je suis en train de faire faillite à cause de la pollution », se désole cet homme de 42 ans.
Le scénario se répète depuis plusieurs jours : le ciel tout bleu de l’aube laisse progressivement place à un brouillard jaunâtre de plus en plus opaque. Qui obscurcit totalement la vue sur les majestueuses montagnes de l’Elbourz dominant les quartiers nord.
L’une des villes les plus polluées au monde
Téhéran est considéré comme l’une des villes les plus polluées au monde, même si la situation n’y est pas aussi aigüe que dans d’autres mégapoles comme New Delhi, où les niveaux de microparticules cancérigènes dépassent largement les niveaux maximum fixés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
« Depuis le début de l’année, Téhéran n’a connu que neuf jours d’air pur », a précisé lundi le service chargé du contrôle de la qualité atmosphérique.
C’est entre novembre et février que la pollution atteint des pics dans cette ville qui s’élève jusqu’à 1 800 mètres d’altitude, en raison du phénomène dit d’ « inversion thermique », qui fait que l’air froid en altitude empêche l’air chaud et pollué de se dégager.
De nombreux experts pointent du doigt l’énorme coût sanitaire et économique de l’exposition aux particules fines, qui provoquerait la mort prématurée de quelque 40 000 personnes par an à travers le pays, selon les médias.
« Fermer les écoles peut aider mais ce n’est pas suffisant », estime Mahdi, un étudiant de 20 ans. Pour Azam Keyvan, « il faudrait aussi fermer les bureaux afin de réduire la circulation », Téhéran étant connu pour ses immenses embouteillages. « Les fermetures d’écoles ne servent à rien pour réduire la pollution, mais cela permet de moins exposer les enfants », explique le professeur Sadegh Partani.
Un rapport de la Banque mondiale a listé comme principaux responsables de la pollution les véhicules lourds, les motos, les raffineries et les centrales thermiques.
Des membres du conseil municipal ont désigné cette semaine comme principal coupable le mazout de mauvaise qualité utilisé par les centrales, ce que conteste le gouvernement.
« L’approvisionnement électrique est devenu plus dépendant des centrales thermiques et au gaz, ce qui accroit naturellement la pollution », explique M. Partani. « La meilleure solution pour la réduire serait donc de privilégier les énergies renouvelables, comme le solaire », ajoute cet expert des questions environnementales.
Cette question est l’un des enjeux du sommet sur le climat de la COP28 qui se tient actuellement à Dubaï, mais le président iranien Ebrahim Raïssi a refusé d’y participer pour protester contre la présence d’Israël dans le contexte de la guerre à Gaza.
(Avec AFP)
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