Scandale des déchets transfrontaliers : jusqu’à six ans de prison pour les trafiquants
Jusqu’à six ans de prison ont été requis jeudi à Lille à l’encontre de neuf hommes jugés pour un vaste trafic de déchets entre la France et la Belgique. Près de 10 000 tonnes d’ordures ont été illégalement déversées sur le sol tricolore, notamment en Lorraine et dans le Nord, entraînant dans leurs chutes conséquences environnementales et risques sanitaires.
Sale affaire. À Lille, où le procès s’est ouvert lundi, le dénouement du scandale des déchets transfrontaliers se précise. À l’encontre de Johnny Demeter, considéré comme le principal protagoniste et déjà condamné en 2016 pour gestion irrégulière de déchets, la procureure Emilie Julien a requis six ans d’emprisonnement, mais aussi la révocation de deux ans de sursis auxquels il avait été condamné précédemment, avec mandat de dépôt.
En bande organisée artisanale et familiale
« C’est un comble de trafiquer des déchets et de croire qu’on a les mains moins sales qu’un trafiquant de drogues », a pointé la procureure, qui a également demandé une amende de 50 000 euros. Le trafic de stupéfiants génère 10 à 12 milliards d’euros par an dans l’Union européenne, une somme équivalente à celle du trafic de déchets, celui-ci impliquant une moindre prise de risque, a mis en avant la procureure.
Mme Julien a insisté sur la portée de la décision qui sera rendue à Lille, amenée à faire jurisprudence car il s’agit du premier procès de trafic de déchets en France devant une juridiction interrégionale spécialisée (Jirs), dédiée à la criminalité organisée. Dans ce dossier où cinq membres de la famille Demeter et quatre autres personnes sont jugés, la justice fait face à « une bande organisée artisanale, familiale, mais qui trouble l’ordre public », a-t-elle estimé. À l’encontre des quatre autres membres de la famille Demeter – le père, le frère et deux cousins -, elle a requis des peines de prison de trois à quatre ans, assorties de sursis probatoire à la durée variable. Pour quatre autres prévenus, elle a demandé des peines de 18 mois à trois ans, dont une avec sursis.
10 000 tonnes de déchets déversés illégalement
L’équipe est accusée d’avoir importé et déversé illégalement en France près de 10 000 tonnes de déchets belges entre 2018 et 2021, sans respecter la législation sur l’importation et le transport de déchets. Les déchets (ménagers, industriels et issus de chantiers mélangés) ont été déversés sur des sites de traitement de Suez et Veolia, qui n’ont jamais été payés, sur des terrains privés dans la Lorraine et dans le Nord de la France dont les accès ont parfois été forcés et sur divers sites inadaptés à cette activité. Le préjudice total est estimé à plus de 1,5 million d’euros.
Entre pollution et « autocombustion » entraînant des risques d’incendie, plusieurs associations de défense de l’environnement avait dénoncé un « scandale » écologique sur ces territoires, d’autant que certains dépôts avaient eu lieu à proximité de rivières. « C’est dégueulasse », soufflait Jessica Dautruche, du collectif « J’aime ma forêt ». « On essaie d’interpeller un peu tout le monde depuis quatre ans, mais malheureusement les réponses qu’on a eues sont assez minces ». Cette fois-ci, il semble que la justice les ait entendus.
(Avec AFP)
À lire aussi :
Comprendre le scandale des déchets transfrontaliers en procès à Lille