Baisse du budget de MaPrimeRenov’ : chez les professionnels, la crainte côtoie le pragmatisme
Mis en place pour encourager les travaux de rénovation énergétique dans un contexte de crise écologique, le dispositif d’aide MaPrimeRenov’ sera amputé d’un milliard d’euros en 2024. Un mauvais signal pour la transition, tantôt accueilli avec crainte, tantôt avec pragmatisme, par les professionnels du secteur.
La transition écologique paie cher le prix de la baisse de la croissance. Invité sur le plateau du 20h de TF1 dimanche 18 février, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a annoncé le rabotage d’un milliard d’euros de l’aide MaPrimeRenov’. Cette décision intervient dans le cadre d’un plan d’austérité lancé par le gouvernement pour réaliser une économie de dix milliards d’euros supplémentaires. Alors qu’avait été annoncé, début janvier, le renflouement de 1,6 milliard de l’enveloppe allouée au dispositif, « il y aura toujours une augmentation de 600 millions, mais nous récupérons un milliard », a expliqué Bruno Le Maire. Cette année, le montant de l’aide s’élèvera désormais à quatre milliards d’euros.
La crainte des professionnels
Un budget à la baisse et des objectifs à la hausse : l’équation semble hasardeuse pour de nombreux professionnels du secteur. « Le gouvernement a pour objectif de faire 200 000 rénovations d’ampleur. La réalité c’est qu’avec ce budget-là, nous ne pourrons réaliser que de 150 000 à 160 000 rénovations d’ampleur », réagit Pierre Maillard, président de l’entreprise spécialiste des travaux de rénovation énergétique Hellio, sur France info. Quant aux particuliers, « beaucoup vont remettre à plus tard les travaux liés au confort et à la rénovation énergétique de leur habitation, et pour une proportion très importante d’un tiers à la moitié » déplore sur TF1 Laurent Richard, patron d’une entreprise de rénovation. En résumé, comme l’a déclaré le ministre du Budget Thomas Cazenave dans l’émission Télématin du 19 février : « il y aura moins de logements rénovés ».
Pour Anne Bringault, directrice des programmes au Réseau Action Climat, « Bruno Le Maire a choisi l’injustice en annonçant des économies sur le dos des plus vulnérables ». Le dispositif MaPrimeRenov’ ayant été modifié en début d’année, avec un renforcement des conditions d’éligibilité, ce sont les ménages les plus modestes qui risquent de pâtir directement de cette révision, alors même que les prix de l’énergie s’envolent. À ce jour inconnu, le détail des coupes de MaPrimeRenov’ sera précisé au mois de mars.
Le nœud du problème : la complexité ?
Pour d’autres, le nœud du problème se trouve ailleurs, en amont. C’est ce que défend la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) qui accueille cette annonce avec pragmatisme. « Avec plusieurs centaines de millions d’euros non consommés de l’enveloppe MaPrimeRénov en 2023, l’urgence en 2024 n’est pas budgétaire mais la révision immédiate du dispositif » argue la fédération dans un communiqué publié le 19 février. En 2023, 300 millions d’euros des crédits d’aide à la rénovation énergétique n’avaient pas été dépensés.
« Le budget 2023 MaPrimeRenov’ n’a pas été consommé dans son entièreté en raison de sa complexité. L’urgence pour être à la hauteur de nos ambitions environnementales doit être la révision du fonctionnement du dispositif pour nous permettre de consommer le budget 2024 » a déclaré Jean-Christophe Repon, Président de la CAPEB, sur France Info. L’organisation rappelle à ce titre que les travaux de rénovation énergétique ont baissé de 17% en 2023 par rapport à 2022 (soit 569 243 chantiers avec seulement 72 000 rénovations globales). La raison ? Le dispositif exclut « trop de ménages susceptibles d’engager des travaux, trop d’entreprises artisanales compétentes susceptibles de les réaliser et trop de petits chantiers qui seuls peuvent rendre possible l’objectif de massification des travaux. »
Une réforme du dispositif à venir
Quelques jours avant ce pas de côté, le 15 février, les ministres de la Transition écologique Christophe Béchu et du Logement Guillaume Kasbarian avaient annoncé la simplification de MaPrimeRénov’ en 2024. Trois évolutions avaient été évoquées :
👉 limiter « aux subventions les plus élevées » les « obligations de recourir à un accompagnateur agréé »
👉 « simplifier le label ‘reconnu garant de l’environnement’ (RGE, que les professionnels doivent obtenir pour intervenir sur des chantiers financés par MaPrimeRénov’, NDLR), notamment pour les petites et moyennes entreprises »
👉 et « lever les restrictions de financement concernant les gestes de rénovation simples et efficaces ».
En attendant, la CAPEB reste sur ses gardes et « saura demander en 2024 au Gouvernement une rallonge budgétaire s’il s’avère que la dynamique repart sur un rythme plus soutenu que les prévisions qui sont faites ». « Un coup d’arrêt à cette dynamique s’inscrivant pleinement dans l’ambition environnementale de la France ne pourrait être entendable » prévient-elle encore, assurant que « pour 2025, elle saura rappeler au Gouvernement la nécessité d’allouer les financements adaptés à un dispositif qui aura fait ses preuves. »
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