Volte-face : Aline, d’ex-élève-officier à créatrice de jardins nourriciers en ville
Longtemps, Aline Larvet a cherché ce qui pourrait lui plaire dans la vie. Ex-élève-officier, elle a assez tôt entendu l’appel de la terre. Or, plutôt que de s’installer comme maraîchère, elle a décidé de créer pour d’autres des jardins nourriciers en ville.
S’occuper des plantes lui est devenu indispensable, jardiner lui apporte un équilibre capital. Aline Larvet aime mettre la main à la terre dans son jardin familial, à Segré-en-Anjou Bleu, à une quarantaine de kilomètres d’Angers. Mais pas seulement. Elle vise à aider, autant les particuliers que les entreprises en Maine-et-Loire en « manque de nature ». « Nous nous sommes déconnectés du vivant. » Alors il convient de se retrousser les manches et de sortir les bottes et la pelle. « Partout, indique la jardinière, « le sol est exténué, il faut lui redonner vie, le régénérer… »
En 2022, elle a lancé l’entreprise Gouttes de Vert pour créer des jardins nourriciers en milieu urbain. Son intention : apporter de la matière organique comme du fumier issu de centres équestres et planter arbres fruitiers et plantes aromatiques, des pieds de tomates, de la laitue, des oignons ou encore des fraisiers… Autant de végétaux comestibles et de plantes grimpantes, qui peuvent également investir de toutes petites surfaces de verdure, non loin du bitume. En somme, Aline entend laisser la végétation et les herbes folles s’exprimer à nouveau. Créer en somme, à partir d’espaces « sous-valorisés » de pelouse, selon son terme, « des lieux plus productifs ». Des coins de paradis, comme dit la chanson, aussi ouverts aux espèces, à ne plus considérer comme des êtres nuisibles.
« Mon cheminement a été lent »
Aujourd’hui, Aline, la trentaine, se sent épanouie, mais trouver sa voie et le rôle qu’elle entendait jouer au sein de la société n’a pas été une mince affaire. « Cela ne s’est pas produit en un claquement de doigts, il a fallu que je sois patiente. Mon cheminement a été assez lent. » Aline fouille dans ses souvenirs, remonte à la fin de l’adolescence quand elle a choisi de rejoindre « la gendarmerie », début de son parcours… et de sa réflexion.
En quête de « sens » et d’« engagement », la jeune femme raconte s’être lancée dans les études afin de pouvoir « intégrer les forces de l’ordre ». D’abord les cours de droit, ensuite l’École des Officiers de la Gendarmerie Nationale. Elle réussit le concours, démarre le cursus. « Tout de suite, j’ai su que ce n’était pas le bon choix. Je me suis sentie coincée dans ce parcours. » Elle comprend que cela ne lui correspond pas : « On apprend à faire la guerre, à commander des troupes, à savoir tirer pour protéger de la délinquance… ». L’élève-officier Larvet finit par abandonner l’uniforme en 2017.
« Cultiver et prendre soin de la terre »
Elle a « besoin de se reconstruire », et l’appel de la terre commence à se faire sentir, même si elle ne sait pas encore à ce moment-là où cela va l’emmener. La voie du maraîchage attire la petite-fille d’agriculteur. Mais pas pour « utiliser des machines ». L’idée est plutôt de trouver un moyen de « cultiver tout en prenant soin de la terre », car, à l’époque, elle avait déjà conscience de l’état de la planète. Elle découvre alors la philosophie de la permaculture. « Ma mère connaissait le concept, mais je ne l’avais pas réalisé et avais fermé les yeux… » Via l’Université populaire de permaculture, Aline se dégote un stage au sein d’une ferme, rencontre sur place un permaculteur ainsi que des experts en plantes sauvages, notamment. « Une renaissance », glisse-t-elle.
La future jardinière reprend confiance en elle et décide de poursuivre son éducation, contente d’avoir trouvé « une nouvelle manière de penser et de créer ». Elle entreprend un tour de France pendant une année et va de ferme en ferme. Principe du « woofing » : on la nourrit, on la loge, en échange elle aidea aux champs. Activité très physique qui nécessite de sortir de sa « zone de confort », mais tout de même une expérience très enrichissante. « J’ai pris conscience de la réalité agricole et du manque de moyens pour de nombreux paysans, souligne Aline. Le système économique, basé uniquement sur la croissance, ne valorise pas les projets alternatifs. »
Pas évident de reprendre une ferme
Elle rentre et rêve de s’installer à son compte en tant que paysanne. Or, pas de précipitation, il lui faut du temps pour que l’idée infuse. Elle a besoin aussi de se reposer. Alors elle se trouve un job auprès d’une association d’aide aux victimes en tant que « juriste ». Séquence temporaire de plusieurs mois, ce boulot ne la « nourrit » pas vraiment. Elle arrête, et puis une porte s’ouvre : un projet de restauration d’une ferme en Auvergne. Aline, curieuse, tente le coup, déménage ainsi en Haute-Loire. Mais « ça ne fonctionne pas avec son associé ». Aline rentre au pays, alors que la planète lutte contre le Covid-19.
Elle décide de se former pour devenir responsable d’exploitation agricole (BPREA) et se donner les moyens de réussir. Mais c’est compliqué. « Trouver des terres disponibles, c’est quasiment mission impossible quand on n’a pas de réseau. » Elle déniche une nouvelle offre de reprise d’une exploitation, cette fois en Bretagne. Elle tâte le terrain, mais cela n’aboutit pas. « Les propriétaires se sont montrés hésitants… » Après ce nouvel échec, Aline requestionne son plan de carrière.
Jardiner et transmettre
« Au final, je me rends compte que je ne souhaite pas forcément produire des légumes pour en vendre. Ni m’installer loin de tout, dans une campagne reculée, sans associé. » Mais elle comprend également qu’elle a envie de jardiner « sans machine », sans tracteur. Et par ailleurs « transmettre » son savoir-faire.
D’où l’idée de proposer, outre la conception de « jardins-forêts » comestibles, des ateliers, de l’animation notamment pour les organisations… En gros, histoire de montrer que chacun.e peut s’y mettre chez soi, près du trottoir ou devant le hall d’entrée d’une entreprise. « Je prends les gens par la main et, finalement, je les aide à se reconnecter au vivant. » Vaste programme !
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