Volte-face : Robin : le vélo plutôt que le burn-out
Ancien cadre commercial expatrié, Robin a lancé une librairie itinérante en Ille-et-Vilaine en 2020. Jamais sans son deux-roues, il vise à encourager la pratique de la lecture, mais également à inciter les citoyens à « se remettre en selle ».
Quand on croise Robin Ranjore, on sait que le vélo n’est pas loin. Depuis 2020, le trentenaire se déplace souvent à deux-roues, sur ses terres de Redon, en Ille-et-Vilaine. Au plus fort de la crise sanitaire, au lendemain du premier confinement, il a lancé une librairie itinérante généraliste, la Flânante. Sans local fixe, il s’est mis à vendre des livres neufs lors d’événements culturels, à des concerts, à des festivals locaux. Il a posé ses ouvrages les jours de marché à Redon et dans les environs, mais aussi devant des épiceries associatives du côté du Morbihan. Il a sillonné son territoire situé à cheval entre Rennes et Nantes à l’occasion en particulier du festival local itinérant à vélo Tour de fête.
Difficile de croire que, pendant près de quinze ans, il a multiplié les trajets professionnels en voiture et surtout en avion !
« Un bilan carbone désastreux »
« Mon bilan carbone a longtemps été désastreux », souffle-t-il aujourd’hui entre deux déplacements à bicyclette. L’ancien cadre commercial, souvent basé en Europe de l’Est, notamment en Pologne, mesure le chemin parcouru. En 2008, un master II Langues et commerce international dans sa besace, il enfile sa casquette de chef de marché export. « J’ai travaillé pour plusieurs entreprises dans le domaine des nutraceutiques, de l’agro-chimie ou de la métallurgie. Mon boulot consistait à développer les ventes dans tel ou tel pays. C’était une mission de déchiffrage et d’aventurier qu’au départ j’appréciais, indique-t-il à l’ombre d’un platane. Et malgré le salariat, j’étais assez autonome. »
Mais quelque chose cloche tout de même à ce moment-là. Robin se souvient bien de cette période au cours de laquelle il ressent petit à petit « une sorte d’inconfort ». Comme une gêne qui le titille. C’est que, depuis un certain temps, mûrit dans un coin de sa tête « un projet culturel », au départ non identifié. L’idée de « créer un commerce de proximité » va toutefois émerger assez rapidement parce qu’il voit bien que « le lien social » l’intéresse.
Les enfants vont « tout accélérer »
Après une période de sept ans à Bucarest, en Roumanie, il plie bagage et atterrit en Haute-Savoie. Nous sommes en 2016. Robin continue le même travail. Mais il se rend compte, sur ce territoire de montagne, qu’il lui manque en réalité « un cadre de vie plus proche de la nature ». Il commence à avoir envie de « vivre loin des grandes métropoles ». Il rêve de « moins de densité » et de plus d’espaces verts. Seulement Robin ne bifurque toujours pas. L’heure n’est pas encore au grand rebond.
Il déménage dans les Côtes-d’Armor à Saint-Brieuc pour un nouveau job. Et sa compagne met au monde des jumeaux en novembre 2017. Un événement familial qui va « tout accélérer », tout chambouler. « J’ai compris que je voulais être plus proche de ma famille, moins me déplacer, voir grandir mes deux enfants », explique-t-il aujourd’hui. Ainsi, rester à son poste de commercial, souvent sur la route et loin des frontières, ne lui semble plus compatible avec ses valeurs, lui qui a pris assez tôt « conscience de l’urgence climatique ». Alors, il fonce et démissionne. « Au final, je me suis écouté, j’ai changé de vie avant le burn-out », glisse Robin en souriant.
« Stimulant de créer son entreprise »
En famille, ils se trouvent, en décembre 2019, un nouveau lieu de vie à Redon, commune à taille humaine restant « accessible et proche d’une ligne de TGV ». Le mois suivant, Robin se rend à Montreuil en région parisienne afin de suivre, pendant un mois, une formation à l’école de la librairie, pour apprendre justement à en créer une. « Je voulais être armé et avais besoin de légitimité », raconte ce fils d’une grande lectrice. « J’ai grandi au milieu d’armoires remplies d’ouvrages », précise-t-il aussi.
L’heure de la renaissance a sonné. Il crée aussitôt la Flânante et se lance dans l’aventure au printemps 2020, muni d’un vélo-cargo, d’une remorque et d’un barnum. « Cela a été une période assez faste. Au cours de la pandémie, les gens ont eu plus de temps et se sont tournés vers les livres. » Robin essaie de privilégier le circuit court et les éditeurs du coin. Il se déplace dans un rayon de 30 kilomètres au sein d’ « un territoire dynamique au niveau culturel ». Il se sent bien dans sa peau. « C’est stimulant de créer son activité. » Il aime en tout cas cette liberté, inhérente à son choix de carrière. Une carrière qui peut… évoluer au gré des saisons et de ses envies. Car, pour lui, rien n’est figé.
« Bon pour la santé »
Robin s’est mis en tête de proposer, outre la librairie, des ateliers de lecture, de slam et d’écriture à tout type de public. Une activité un peu « plus rentable » que la vente de livres, il faut le dire. Ainsi a-t-il cherché de l’expertise, cette fois via le Centre de ressources, d’expertise et de performance sportive (CREPS) des Pays de la Loire, un établissement public de formation dans les domaines du sport, de la jeunesse et de l’éducation populaire.
Mais ce n’est pas tout. Il a rejoint en 2021 un collectif à l’origine d’une coopérative, La Sonnette, visant à promouvoir la pratique du vélo tous les jours. « C’est important de sensibiliser, de lever les freins, d’aider les citoyens, jeunes et moins jeunes, à se remettre en selle. » En particulier pour « les nombreux petits trajets du quotidien », plus logiques à réaliser à bicyclette plutôt qu’en voiture. Création d’un lieu éphémère, animations au sujet de la mobilité à deux-roues, notamment à l’école, ateliers de réparation et ventes de vélo… Tout est bon pour donner envie de pédaler. « En plus, c’est bon pour la santé. » Pas faux.
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