Fraude à la TVA sur les quotas carbone : décryptage de l’arnaque du siècle
Une nouvelle série sur Canal+ retrace l’histoire de l’« arnaque du siècle » sur le marché des quotas carbone qui a coûté plus de 1,6 milliard d’euros au Fisc français. Le premier épisode de la série « D’argent et de sang » sera diffusé ce lundi 16 octobre 2023. Onze autres épisodes suivront. Le point sur l’affaire qui a inspiré la série.
Que sont les quotas carbone ?
Les quotas carbone ont été mis en place par une directive européenne de 2003, dans l’objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre pour lutter contre le changement climatique. Les entreprises de certains secteurs industriels polluants doivent respecter un quota précis d’émissions, elles ont ainsi « le droit » d’émettre une quantité de gaz à effet de serre limitée, quantité fixée chaque année par la Commission européenne. Lorsque les entreprises concernées émettent moins de CO2 que prévu, elles disposent de « quotas carbones », qu’elles peuvent vendre à d’autres entreprises, qui, quant à elle, souhaitent émettre plus de CO2 que prévu. Un projet permettant, sur le papier, de faciliter la transition écologique.
En France, après une phase de test de deux ans entre 2005 et 2007, la Caisse des dépôts et des consignations a créé le marché français du CO2 en 2008 via sa filiale BlueNext. Une forme de « bourse » des quotas carbone a donc été constituée, comme pour certains instruments financiers ou matières premières. Et l’État a décidé d’y adosser une taxe sur la valeur ajoutée. À la suite de la mise en place de ce système, des sociétés ont été créées pour être des intermédiaires entre les vendeurs et les acheteurs de quotas carbone.
D’où vient la fraude ?
Certains de ces intermédiaires économiques en ont profité pour détourner de l’argent via une fraude à la TVA, une fraude « carrousel ». Le principe de cette arnaque à la TVA n’est pas nouveau. Des malfaiteurs organisaient déjà ce type de transaction illicite en important des conteneurs de vêtements ou de baskets de l’étranger (sans TVA pour l’international) et en les revendant TTC en France ou en Europe. Le dernier vendeur qui doit normalement rembourser la TVA à l’État « disparaissait » avant de s’en acquitter et gardait ainsi les fonds reçus.
Sur le marché des quotas carbones, le même principe a été développé. Les escrocs (originaires notamment de Belleville à Paris ou de Marseille) ont notamment acheté des quotas carbone à l’étranger, sans TVA, et les ont revendus en France avec de la TVA (TVA à 19,6 %). Cette taxe aurait donc dû être reversée à l’État, mais les fraudeurs ont gardé et blanchi cet argent.
L’escroquerie a été facilitée par le fait que peu de formalités étaient exigées par l’administration pour créer une société de quotas carbone, que le contrôle était limité et par le fait que les quotas en question étaient immatériels. De novembre 2008 à juin 2009, 1,6 milliard d’euros ont ainsi été détournés au niveau national, et plus de 5 à 6 milliards au niveau européen, un coût probablement largement sous-estimé. Et une perte sèche pour l’État mais aussi pour l’environnement.
La découverte de la fraude
La fraude a fini par être découverte à la suite d’une enquête du Service national de la douane judiciaire (SNDJ). Devant l’ampleur de la fraude fiscale, le 11 juin 2009, le ministère de l’économie et des finances a exonéré les quotas carbone de TVA. Le marché s’est effondré en suivant. Europol, dans un communiqué publié le 9 décembre 2009 a confirmé que « le marché européen de quotas de CO2 a été victime d’échanges frauduleux depuis 18 mois. Dans certains pays, jusqu’à 90 % du marché du carbone était le fait d’activités frauduleuses. »
En France, l’enquête a conduit à plusieurs arrestations et condamnations des escrocs impliqués. Des procès ont notamment eu lieu en 2011, 2016 et 2019, en rapport avec la fraude. Parmi les grands noms de cette « arnaque du siècle », dont certains ont été condamnés, on trouve notamment Grégory Zaoui, présenté comme le « cerveau » de l’affaire, Cyril Astruc, Marco Mouly, Samy Souied (assassiné en 2010), Arnaud Mimran, Gilbert Chikli, Fabrice Sakoun ou David Illouz. Pour en savoir plus sur les tenants et aboutissants de cette affaire rocambolesque, on vous conseille aussi le documentaire de Netflix intitulé « Les rois de l’arnaque ».
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