Fin du débat sur les boites de camembert : les eurodéputés ont voté
Contenants « réutilisables », consigne, plastique recyclé… Les eurodéputés ont voté mercredi 22 novembre pour verdir les emballages dans l’UE, tout en édulcorant nombre de dispositions, au grand dam des ONG environnementales et sur fond d’intense lobbying hostile des entreprises. La boite de camembert est quant à elle sauvée.
En voilà une que l’on n’avait pas vu venir sur le devant de la scène européenne. Ces derniers jours, un projet législatif de l’Union européenne destiné à réduire les déchets d’emballages avait éveillé des inquiétudes chez bon nombre de producteurs du fromage rond. Cette réglementation mettra-t-elle en péril les boites de camembert en bois, pour lesquelles n’existe aucune filière de recyclage dédiée ? Qu’ils se rassurent : elles sont saines et sauves. Pour désamorcer ce point de crispation, un amendement a été adopté pour que l’obligation de recyclage ne s’applique pas à ce stade aux emballages en bois (boites de camembert, de mont-d’or, bourriches d’huîtres…) ou en cire (Babybel).
188,7 kg de déchets par habitant
L’ambitieuse législation proposée par Bruxelles partait d’un constat édifiant. Des colis aux gobelets de café, les Européens n’ont jamais autant généré de déchets d’emballages : 188,7 kg par habitant en 2021 – soit un bond de 11 kg en un an et de 32 kg en une décennie – pour un taux de recyclage de seulement 64% (40% pour les seuls emballages plastiques), selon Eurostat. Pour s’y attaquer, la Commission européenne a proposé une législation fixant un objectif de réduction de 10% par habitant d’ici 2035, par rapport à 2018, du volume de déchets d’emballages (-15% d’ici 2040). Le texte a fait l’objet d’une bataille au Parlement européen, qui a adopté en séance plénière de nombreux amendements du groupe PPE (droite) visant à amoindrir ses dispositions contraignantes, avant des négociations avec les États membres.
Larges dérogations pour les emballages réutilisables
Estimant que recycler ne suffit pas, l’UE mise sur la réutilisation et proposait d’imposer des niveaux contraignants de réemploi des emballages pour chaque secteur (e-commerce, restauration, boissons…). Mais les eurodéputés ont adopté des dérogations dans certains cas si un niveau minimum de collecte des emballages concernés est atteint. Le secteur viticole serait exempté, comme les produits d’appellation protégée. « De larges dérogations rendent les objectifs de réemploi virtuellement ineffectifs, un mauvais signal pour les acteurs du secteur naissant » de l’économie circulaire, sans réduire les emballages inutiles, déplore la coalition d’ONG Rethink Plastic Alliance. Pour la restauration, Bruxelles fixait un objectif d’emballages réutilisables pour les aliments et boissons à emporter. Une mesure supprimée au profit d’une simple obligation pour les restaurants d’accepter les contenants apportés par les clients.
Collecte et recyclage : le plastique ciblé
L’objectif est de généraliser le ramassage ciblé des déchets pour maximiser le recyclage. Le texte prévoit l’obligation pour les Etats d’établir un système de consigne pour les bouteilles en plastique et canettes métalliques, si le taux de collecte de ces déchets n’atteint pas 85%. La disposition est maintenue malgré une vive contestation du PPE. Plus généralement, au moins 90% des matériaux d’emballages (plastique, bois, aluminium, verre, carton…) devraient être collectés séparément d’ici 2029. Tous les emballages vendus devraient être recyclables à partir de 2030. « C’est le cœur du texte (…) Cette législation marque une avancée importante, même si certains éléments ont disparu en plénière« , estime Pascal Canfin, président (Renew, libéraux) de la commission parlementaire Environnement. Le texte fixe un taux minimum de matériau recyclé dans les contenants plastiques. Mais le recyclage n’est pas la panacée : les eurodéputés ajoutent des objectifs spécifiques de réduction des déchets d’emballages plastiques (-10% d’ici 2030, -20% dix ans plus tard). La vente de sacs en plastique ultra-légers serait quasi interdite.
Interdiction du Bisphénol-A et PFAS
Les eurodéputés ont choisi d’interdire l’ajout intentionnel dans les emballages alimentaires de polyfluoroalkylés (PFAS, surnommés « polluants éternels ») et de Bisphénol-A (BPA, autre perturbateur endocrinien). Ce sont des composants encore fréquemment utilisés malgré les mises en garde des scientifiques sur leurs effets nocifs. Pour rappel, un rapport publié par l’Agence Européenne de l’Environnement (AEE) en septembre dernier révélait que le bisphénol A, perturbateur endocrinien avéré, était présent dans 92 % des organismes des Européens.
Emballages à usage unique : recul face aux lobbies
Le texte prévoit une liste d’emballages à usage unique jugés superflus et interdits à partir de 2030. Certes, le texte parlementaire cible toujours les flacons miniatures (shampoing, gel…) dans l’hôtellerie, les emballages plastiques groupés ou les films rétractables pour valises. Mais les élus ont supprimé les restrictions visant les emballages plastiques pour fruits et légumes et les contenants à usage unique pour condiments. La restauration a fait l’objet d’un bras de fer. Finalement, le texte supprime l’interdiction des contenants à usage unique pour les aliments et boissons consommés dans les cafés-restaurants : une aubaine pour les chaînes de fast-food. Le secteur de la restauration rapide et les industriels du papier avaient mené un intense lobbying en ce sens, vantant les mérites « écologiques » des emballages cartons, potentiellement recyclables ou issus de forêts durables, par rapport au plastique ou au réemploi, qui selon eux exigerait d’utiliser plus d’eau et d’énergie.
« Sur l’économie circulaire, et la prévention en particulier, le vote en plénière ignore la réalité des chiffres (…) la fin des emballages jetables est encore loin ! », a regretté la rapporteure (Renew) du texte Frédérique Ries. L’ONG Environmental Paper Network a jugé « scandaleux » que « toutes les restrictions significatives » disparaissent. « Les quelques-unes qui subsistent ne feront que gonfler le volume de déchets papier. Un désastre à venir pour les forêts », a-t-elle ajouté.
(Avec AFP)
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