Alors que la Cop28 perpétue le traditionnel ballet de leaders mondiaux et de lobbyistes en quête d’un hypothétique accord international, Deklic a classé les pays les plus émetteurs de CO₂ dans le monde. Mais, selon le mode de classement utilisé, les résultats diffèrent largement.

C’est un chiffre qui n’en finit plus de grimper. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, les émissions de dioxyde de carbone (CO₂) ont quintuplé à l’échelle de la planète, passant de 5 à 25 milliards de tonnes par an. Depuis le début du troisième millénaire, la courbe a continué de s’envoler, même si la croissance est moins marquée depuis 10 ans, pour dépasser la barre des 40 milliards de tonnes en 2022.

Au niveau actuel des émissions, les analystes du Global Carbon Budget, dont l’étude annuelle fait référence, estiment qu’il y a 50 % de chances que le réchauffement climatique dépasse 1,5°C de manière constante dans environ sept ans. Autrement dit, les chances de respecter les objectifs de l’Accord de Paris s’amenuisent un peu plus chaque jour, et dans cet échec collectif, la France ne fait pas figure d’exception. Récemment encore, le rapport annuel 2023 du Haut Conseil pour le Climat pointait du doigt le retard accumulé à peu près dans tous les secteurs : manque de préparation aux impacts négatifs (7000 morts pendant la canicule selon Santé Publique France), des émissions à la hausse dans les transports et l’énergie, une forte baisse de l’absorption du CO₂ par les forêts, un budget carbone pas respecté, des subventions pour les énergies fossiles, une production des énergies renouvelables trois fois trop lente…

La France peut toujours se rassurer en se disant qu’elle n’apparaît pas dans le Top 10 des plus gros pollueurs mondiaux. Mais l’objectif, en réalité, est inverse : il ne s’agit pas de se déresponsabiliser en pointant du doigt les autres (autres pays, autres secteurs, autres politiques…), mais bien de prendre conscience collectivement des efforts colossaux qui doivent être menés.

Le top 10 des pays les plus pollueurs au global

La Chine, usine du monde

À elle seule, la Chine est responsable de près d’un tiers des émissions mondiales. Pas étonnant, quand on sait que le pays produit massivement et exporte dans le monde entier. En 2022, il était la principale source de l’Union européenne, avec 20,8% des biens importés. Un statut d’usine du monde qui reste solide malgré le ralentissement du Covid, le poids de sa dette et l’explosion de sa bulle immobilière qui font tanguer son économie. La Chine est, en outre, lourdement dépendante du charbon pour satisfaire ses besoins énergétiques.

Les États-Unis, solides dauphins

Deux fois moins pollueur que la Chine, mais deux fois plus que l’Inde, qui est troisième, les États-Unis sont solidement installés sur la deuxième place du podium. Au-delà de ses 5 milliards de tonnes de CO₂ émises chaque année, le pays inquiète par un climatoscepticisme bien ancré. En effet, 21 % de la population américaine considère que le changement climatique n’est pas du tout une menace. Le 25 octobre dernier, Mike Johnson, fervent soutien de Donald Trump, proche de l’industrie pétrolière, et climatosceptique assumé, a été élu président de la Chambre des représentants.

L’Asie bien représentée

Continent le plus représenté dans le Top 10, l’Asie est notamment confrontée à un problème majeur : la qualité déplorable de l’air que l’on respire dans ses villes. Selon un classement de la société suisse IQAir, 70% des capitales mondiales où la mauvaise qualité de l’air pose un sérieux problème de santé font partie du continent asiatique. En Inde par exemple, le smog, cette pollution atmosphérique qui entraîne plus d’un million de décès prématurés chaque année, est si épais qu’il est parfois visible depuis l’espace.

Le top 10 des pays les plus pollueurs par habitant :

Si les valeurs absolues donnent quelques indications sur les politiques de certains pays et leur impact en termes d’émissions carbone, elles sont toujours à relativiser. Comparer les émissions carbones de l’Inde et de ses 1,4 milliard d’habitants avec celles de 67 millions de Français n’a pas vraiment de sens. D’ailleurs, le classement ramené aux émissions par habitant fait disparaitre de son Top 10 les mastodontes pour laisser place à d’autres pays, avec un effet de surprise plus ou moins marqué.

Les pays du Golfe en force

Ainsi, les pays du Golfe se positionnent en nombre dans le haut du classement, notamment en raison de l’exploitation pétrolière. Au sommet du classement des pays les plus pollueurs par habitant, le Qatar trône avec une moyenne de près de 36 tonnes. Un chiffre impressionnant également causé par les installations de climatisation omniprésentes, qui représentent à elles seules 60% de la consommation d’énergie du pays. La Coupe du monde de football en avait donné une éclatante illustration avec ses stades climatisés en plein désert. Autres pratiques qui pèsent dans la balance : la consommation de produits d’importation par les locaux et les touristes, l’utilisation de véhicules particulièrement gourmands en énergie ou encore un développement important conduisant à la construction des nombreuses infrastructures.

Et la responsabilité historique ?

Un dernier point d’ailleurs souvent évoqué par les pensionnaires de ce Top 10, arguant que leur consommation actuelle, certes impressionnantes, est due à leur développement récent. Pour bien faire, disent-ils, il faudrait alors jeter un œil à la quantité d’émissions de CO₂ émises par les pays à l’échelle de l’histoire.

Une responsabilité historique qui ferait tourner les regards vers les États-Unis, responsables entre 1750 et 2021 d’un cumul de 421,91 milliards de tonnes de CO₂ émises. Plus que n’importe quel autre pays, et surtout une concentration de 20 % des émissions historiques mondiales. Le Chine (11 %) et la Russie (7 %) complètent le podium. À ce petit jeu-là, la France fait une apparition remarquée dans le haut du classement (12e), avec 39,11 milliards de tonnes d’émissions de CO₂ cumulées depuis 1750, soit presque autant que l’ensemble du continent africain sur la même période (49,13 milliards de tonnes), pourtant 55 fois plus grand.

Qu’importe, cependant, la façon dont on calcule les points. L’heure n’est pas aux comptes ou aux procès, pas plus qu’aux gesticulations ridicules pour détourner l’attention et renvoyer la responsabilité ailleurs. Quelle que soit leur position dans ces classements, les pays du monde doivent désormais agir pour réduire drastiquement leur impact sur la planète, tout en protégeant les plus exposés aux effets inévitables que subissent déjà, et que subiront encore, de manière de plus en plus marquée, certains d’entre eux.

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