Volte-face : Amélie Brault : la voix du zéro déchet

Par Philippe Lesaffre , le 19 septembre 2023 - 7 minutes de lecture
Portrait d'Amélie, Crédit DR

Portrait d’Amélie, Crédit DR

Amélie Brault multiplie les ateliers d’initiation pour « aider » le plus grand nombre à rejoindre le mouvement zéro déchet. Longtemps employée du groupe Yves Rocher, la conférencière, située en Bretagne, nous explique comment elle a su trouver le chemin de la sobriété.

À la rentrée, les ateliers d’initiation au zéro déchet se sont enchaînés. Début septembre, Amélie Brault s’est notamment rendue dans les locaux d’une PME de Redon, en Ille-et-Vilaine, pour apprendre aux collaborateurs comment fabriquer des produits d’hygiène. Devant une quinzaine de personnes, la conférencière a présenté « certaines recettes assez simples à réaliser », selon ses termes. « On imagine souvent, précise-t-elle, qu’il est difficile d’y arriver, alors qu’il convient de mélanger deux ou trois ingrédients assez accessibles, dont le savon de Marseille ou la cendre, par exemple… ». A Redon, c’était la deuxième année consécutive qu’Amélie intervenait auprès de ces employés volontaires, et elle a été « ravie de constater qu’un tiers des personnes présentes à l’atelier de l’an dernier continuaient » d’utiliser de la lessive faite maison.

Elle repère les motivations des uns et des autres. D’abord, comme elle le remarque, de nombreux citoyens s’y mettent afin de réaliser une économie en cette période d’inflation galopante. D’autres en ont « marre de surconsommer » et cherchent simplement des alternatives aux produits industriels…

« Les enfants font la morale aux parents »

Depuis sept ans, Amélie Brault, 47 ans, propose des ateliers de sensibilisation tant utiles que « ludiques ». Aux entreprises, donc, mais aussi aux médiathèques, aux communes, aux établissements scolaires. Dans les écoles, Amélie apprécie discuter avec les plus jeunes, souvent très curieux et sans filtre. Pour elle, les enfants ne se gênent pas pour sensibiliser les parents et leur proposer des idées de petits gestes et des solutions, par exemple sur le tri des déchets ou la préparation du pique-nique. « Ils leur font parfois la morale », sourit cette mère de deux enfants. Et du coup, beaucoup de parents « cèdent » et évoluent dans leurs pratiques.

Accompagner les citoyens en famille lui plaît. Sur son blog, elle partage recettes et conseils pour les aider par exemple à se procurer des fournitures scolaires tout en limitant les déchets. Ou encore pour parvenir à réduire les achats dits compulsifs, source d’emballages très importante. En l’occurrence, elle invite les gens à se poser les bonnes questions avant de filer en caisse.

Plus largement, c’est fondamental de s’interroger quand on cherche à réduire son empreinte écologique, de bien saisir ses besoins et ses envies, dit-elle. Or, cela prend du temps. On ne change pas du jour au lendemain ses habitudes. « Il faut y aller petit à petit, estime Amélie. Il y a forcément une phase de test, d’évaluation. Surtout, il ne s’agit pas de bousculer, de forcer ses proches à changer, sinon, ça ne marchera pas. Ils bougeront s’ils sont convaincus, pas si on les bloque. »

Le déclic au détour d’une conversation

De son côté, Amélie a « bougé » à partir de 2016. À ce moment-là, elle exerce comme agente de conduite de ligne au sein du groupe Yves Rocher en Bretagne depuis plus de quinze ans. En parallèle, elle a accepté une mission de secrétaire au sein du Comité d’hygiène, sécurité et conditions de travail (aujourd’hui, c’est intégré au Comité social et économique), et elle a été élue avec plaisir déléguée syndicale.

Un jour, Amélie discute avec une collègue. Celle-ci lui apprend que son compagnon construit une maison écologique et qu’elle conçoit ses propres produits ménagers. « Je réalise alors qu’on pouvait le faire sans se prendre la tête. » Elle se renseigne davantage, découvre un univers, commence à en parler à tout le monde. Le début d’une nouvelle aventure, qu’elle ne lâchera plus. Elle lance un groupe Facebook fin 2016. Crée une année plus tard à Redon l’association zéro déchet Pays de Vilaine dans le but de sensibiliser les habitants.

« Je voyais des déchets partout, angoissant »

Au départ, elle a agi en gardant son emploi. Mais pas longtemps au final. « Cela se passait bien avec les personnes qui m’entouraient. Mais je commençais à voir des déchets plastiques partout, c’était assez angoissant. » Tout s’est ensuite enchaîné. Petit burn-out, arrêt maladie… Le métier ne lui convient plus. Elle négocie une rupture conventionnelle… avant de sauter dans le bain de l’entrepreneuriat avec Sonia, une créatrice d’accessoires zéro déchet en tissu dans le Morbihan, dont elle a croisé la route. Une idée a fusé. Ensemble, elles créent une épicerie en vrac en 2019… C’est quarante ans après ses parents, des commerçants bretons « précurseurs dans le bio ».

L’expérience à Redon s’avère enrichissante : « aider » les femmes et les hommes du quartier, c’est son truc. Or, en 2020, la pandémie éclate. Le magasin ne ferme pas pendant la crise sanitaire. Mais les deux associées rencontrent de nombreuses difficultés au lendemain des confinements, à l’instar d’autres commerçants indépendants. Les clients désertent leur boutique. Elles résistent un temps, lancent pour sauver les meubles une campagne de financement participatif. Cela ne suffira plus. Après une longue bataille, elles mettent la clé sous la porte en 2022. Et avancent. Pour Amélie, membre du réseau Entreprendre au féminin Bretagne, ça signifie : développer son activité de conférencière et d’animatrice à plein temps. L’objectif est fixé. En attendant, pour lui assurer « une sécurité financière », dit-elle, elle travaille un jour par semaine pour une épicerie italienne au marché.

Gratiféria

Amélie ne s’ennuie guère. « La fin de l’année est très chargée. » Pour son association, elle organise le festival « Vers une vie zéro déchet », prévu le 19 novembre prochain. Au programme, des ateliers d’initiation pour apprendre à fabriquer des produits en tout genre, en particulier du baume à lèvres, mais aussi un ramassage d’ordures et l’organisation d’une… gratiféria.

Elle précise : « C’est une sorte de marché non commercial, permettant à chacun et chacune de trouver ce dont il et elle a besoin, sans avoir à donner à son tour quelque chose. Cela ne repose pas sur un échange matériel ou immatériel. » Encore une occasion en or pour « aider » les gens à trouver des objets de seconde main. Et puis parfait si on peut éviter de jeter des biens qui peuvent encore servir !

À lire aussi :

📸 Volte-face : Antoine, ex-ingénieur devenu référent carbone : « J’espère que mes choix iront toujours dans le sens de l’action »

📸 Volte-face : Constance Laroche, ex marketeuse reconnectée à la nature : « Bifurquer m’a permis de porter un autre regard sur moi-même. »

📸 Volte-face : Antoine, ex-ingénieur devenu référent carbone : « J’espère que mes choix iront toujours dans le sens de l’action. »

📸 Volte-face : Lisa, de l’audit à la rénovation énergétique : « Je n’étais plus en phase avec ce que je faisais »

Philippe Lesaffre

Journaliste depuis une dizaine d'années, Philippe couvre l'actualité de l'écologie pour plusieurs médias comme Deklic, mais aussi Marcelle, Ekopo... Il est aussi le cofondateur du média indépendant Le Zéphyr, dédié à la protection de la nature et du vivant. Des sujets qui le passionnent.

Voir les publications de l'auteur