Volte-face : Céline ex-directrice marketing de Coca-Cola : « Il ne faut pas choisir entre le travail et ses passions »
Après avoir évolué près de 25 ans à Coca-Cola, Céline Bouvier a changé de vie. Désormais, elle sensibilise le grand public sur la question des déchets plastiques à travers ses photos. Tout en accompagnant les dirigeants des grandes entreprises dans leur désir de transition.
Céline Bouvier s’y attarde longuement durant la discussion. On sent le plaisir qu’elle a à parler de ses nombreuses activités. « On ne peut pas résumer une personne à une seule expérience, ce serait dommage », précise l’ex-Parisienne depuis la Sologne où elle s’est installée en famille au plus fort de la crise sanitaire du Covid-19. Coach, formatrice, photographe, créatrice d’objets en terre cuite… Pour Céline, toucher à tout fait sens. « On a toutes et tous plein de talents, et l’épanouissement peut passer par une juxtaposition d’occupations, artistiques, culturelles, sportives… Il ne faut pas choisir entre le travail et ses passions. »
Le déclic sur une plage abandonnée
Cet équilibre, Céline a mis du temps pour le trouver. Avant cela, elle a passé plus de 26 ans au sein de la même compagnie : « A Coca-Cola, dit-elle, j’ai gravi les échelons les uns après les autres, jusqu’à devenir directrice marketing. » Mais l’aventure ne lui plaisait plus comme au début de son parcours. « J’ai senti que j’étais arrivée au bout du chemin, j’avais fait le tour. » Elle avait besoin d’un break, « perdue et épuisée » qu’elle était. Rythme infernal dans le boucan parisien,très souvent en déplacement loin de ses deux filles, « la tête dans le guidon », elle ne pensait qu’au boulot, oubliant de prendre soin d’elle. Alors elle a arrêté les frais, filé sans projet fixe en tête, libre comme l’air. « J’ai démarré une détox et me suis donnée du temps pour m’écouter, savoir ce que je désirais vraiment, respecter mon écologie personnelle… »
Quelques semaines plus tard, on la retrouve en voyage, à fixer l’horizon sur l’archipel de Bazaruto au large du Mozambique. Un décor de rêve, sauvage, à une heure et demie des côtes, loin des touristes et des bateaux. Du sable blanc à perte de vue. Devant elle, la mer, derrière de grandes dunes, ainsi que… des tonnes de déchets plastiques, déposés par le courant et l’écume des vagues. Essentiellement, des restes d’objets, d’emballages et de produits du quotidien en tout genre qui gisent là, au milieu de nulle part. Mais qui dit tout de notre époque. « C’est là que j’ai mesuré l’ampleur des dégâts de notre surconsommation, se souvient-elle aujourd’hui. J’ai trouvé ça abominable et en même temps, je l’admets, assez… coloré et esthétique. » Un contraste marquant.
L’art pour sensibiliser sur le devenir des déchets
Sans réfléchir, elle sort son iPhone, prend quelques photos qu’elle diffuse dans la foulée. Les images plaisent. Le début d’une passion qu’elle n’a jamais soupçonnée, mais qui ne la quittera plus jamais. C’est au bout du monde qu’elle vient de se trouver un nouvel objectif. Elle rentre, plein d’idées dans la tête. Céline suit quelques cours, s’offre un premier appareil et puis continue d’immortaliser les déchets largués sur le littoral ou ailleurs. Les images, désormais, elle aime les exposer dans des lieux publics, dans des boutiques, afin de mettre en lumière un grand problème de société.
« Je ne suis pas donneuse de leçons, je ne suis pas parfaite, loin de là. Mais je veux sensibiliser sur la question du devenir des déchets, provoquer des émotions dans le but de donner envie d’agir. » L’art a ce pouvoir, au contraire, par exemple d’un rapport du Giec peu accessible. « Je me suis rendue compte qu’il manque aux citoyens de précieuses connaissances. Par exemple, on pourrait penser que le problème est résolu lorsque nous balançons nos déchets dans la poubelle jaune, or il n’en est rien. » Ce geste de tri a même tendance à nous déresponsabiliser.
Ainsi, elle a pris l’habitude d’accompagner ses images esthétiques de petits textes visant à nous faire comprendre l’envers du décor. Typiquement, qu’il n’est pas anodin d’abandonner son mégot de cigarette dans la rue. « Celui-ci glissera dans les égouts et se retrouvera un jour en mer. Pourtant, la clope pollue les océans. C’est ce genre d’infos que je mets en avant en particulier. »
« A Coca-Cola, j’avais sincèrement l’impression de faire le maximum »
Céline en est convaincue, « il faut encourager » les uns et les autres à évoluer, à « agir différemment », à acheter moins de vêtements, à limiter l’usage de plastique à usage unique, notamment. Autant les citoyens que les grandes entreprises, selon l’ancienne directrice marketing de Coca-Cola. « Ces dernières ont à changer leurs pratiques, précise-t-elle. Il convient d’accélérer la transition et de généraliser, notamment, l’utilisation de matériaux plus durables. » Après avoir bifurqué fin 2017, rapidement on la sollicite pour des missions de conseil. Elle se forme aux techniques de coaching, crée son agence Vojo puis se lance dans ce domaine. Son dada : la collaboration. « Je pense que les équipes peuvent s’épanouir en travaillant ensemble. Le collectif est capable de déplacer des montagnes et d’y prendre du plaisir. »
De par son expérience, Céline se sent légitime pour accompagner les dirigeants, les collectifs. « Je sais comment ils fonctionnent, quelles sont les barrières à contourner. Je ne leur jette pas la pierre : à l’intérieur d’une entreprise, c’est compliqué de trouver des solutions. Et on se raconte parfois des histoires, on tente de se rassurer, consciemment ou non, souligne-t-elle. Moi-même, se souvient Céline, j’évoluais dans une bulle. J’avais sincèrement l’impression de faire le maximum au sein de la société sur le recyclage des déchets. J’ai compris plus tard que c’était faux. »
L’ex de Coca-Cola fait le maximum pour essayer de convaincre ses « pairs », leur montrer qu’il est possible de s’y mettre vraiment. « Si on arrive à convaincre une petite partie de bouger, même 15 %, le reste suivra. » Mais chaque chose en son temps. Céline, après notre appel, a poterie et puis elle veut réaliser ses compositions pour sa prochaine expo photos, prévue à l’automne.
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