Volte-face : Dorothée Drapier-Bissieux, dans les pas des chevaux
Longtemps coach au sein de la SNCF, Dorothée Drapier-Bissieux a fini par prendre son indépendance. Installée dans un écrin de verdure à quelques encablures de Metz, elle accompagne dorénavant entreprises et publics en situation de fragilité via la médiation équine et la sylvothérapie. Au vert, dit-elle, on arrive plus facilement à « libérer la parole ».
De sa maison, Dorothée observe son jardin recouvert de neige. En ce début janvier, la France grelotte, en particulier les coteaux de Moselle où elle réside. Soudain, elle remarque un écureuil roux en recherche de nourriture. Le rongeur saute de branche à branche pour retrouver les glands cachés avant l’hiver. Elle contemple le spectacle saisissant… avant de s’atteler à son récit. Nous venions de la questionner sur sa bifurcation qui l’a poussée à s’installer au cœur du mont Saint-Quentin dans la commune de Lessy, « un ancien village de vignerons » situé sur les hauteurs de Metz.
En 2018 , l’ex-Ardennaise a dégoté en famille une « maison de rêve entourée d’un écrin de verdure ». Ici, de nombreux arbres jouxtent un vieux pigeonnier du 19e siècle, qu’elle compte réhabiliter. La végétation s’y est frayée un chemin vers la lumière… presque en poussant les murs. « Le toit s’est effondré en partie, sourit-elle. Il y a du boulot. » Car Dorothée, dans ce « lieu historique », veut « ouvrir un lieu modulaire » afin d’accueillir d’ici 2024 « des activités diverses, à vocation culturelle ou professionnelle ». Elle souhaite que cela devienne notamment un espace de coworking et de séminaires pour les organisations.
La nature pour libérer la parole
Pour autant, Dorothée n’a pas attendu pour travailler dans son antre. D’ores et déjà, elle accueille des structures en leur proposant des ‘parenthèses’ au vert : « Il y a un besoin, les entreprises recherchent de plus en plus ce type d’activités dans la nature. » Au plus près des chênes et des frênes, à mille lieues des écrans, on peut parvenir à répondre à certaines difficultés en matière de communication et de cohésion d’équipes. Le pouvoir du vivant, estime-t-elle : « Se reconnecter à la nature est utile pour trouver l’inspiration, le sens ou réfléchir à sa stratégie, par exemple. » Oui, se balader en forêt peut aider les unes et les autres. « Cela permet de ralentir et de libérer la parole », précise Dorothée.
Aux personnes qu’elle accueille, celle-ci propose des marches également… « avec la complicité des chevaux », comme elle dit : « Tout se passe à pied, il n’est pas nécessaire de bien connaître les équidés. » L’approche tend à favoriser le développement personnel et permet d’identifier des potentiels insoupçonnés. Dans cette optique, Dorothée, cavalière depuis l’enfance, vise à soutenir des publics variés, des managers, des dirigeants, mais aussi « des personnes en situation de handicap ou de fragilité durable ou passagère ». Des femmes et des hommes à qui elle tend la main aux côtés d’animaux dont elle s’est toujours sentie proche. « Mes grands-parents, et leurs parents avant eux, étaient paysans et travaillaient avec des chevaux, ajoute-t-elle. Ainsi, la mise en relation avec les chevaux, et le vivant de façon plus générale, c’est dans mon ADN. »
Coach à la SNCF
Dorothée, le visage toujours face au jardin, remonte les souvenirs. Si aujourd’hui, elle a choisi la voie professionnelle du coaching en tant qu’indépendante, cela n’a pas toujours été le cas. Pendant une décennie, elle a accompagné « les collègues » de la SNCF. C’est que, pour l’opérateur de transport au service de qui elle a œuvré pendant 25 ans, elle a participé à la création d’un réseau de coachs internes dans les années 2010.
« Cela tombait à pic, souligne-t-elle : je venais à ce moment-là d’obtenir mon diplôme de coach et j’avais l’intention, indique Dorothée, de réfléchir au mode de management des vendeurs, des chefs de bord des TGV et de leurs responsables d’équipes. » L’idée était de trouver « une autre manière de travailler avec ses collaborateurs ».
Dans ces années, elle se forme à l’accompagnement du changement et en équicoaching, ayant compris que la présence de l’équidé pouvait être utile dans le suivi des citoyens et dans les problématiques qu’ils rencontrent au quotidien. Puis Dorothée commence à coacher, tant de façon individuelle que collective, comités de direction, équipes et managers de la SNCF.
Une mission qu’elle a menée en parallèle à ses propres postes. Durant son parcours, son employeur lui a permis de vadrouiller de Paris à la Champagne-Ardenne, en passant par la Lorraine. De changer de casquette régulièrement. Après avoir entre autres managé des équipes de vendeurs et de contrôleurs en Lorraine, elle a été nommée directrice marketing et services TER Champagne-Ardenne à Reims. Plus récemment, elle s’est occupée de la « détection de talents », du développement des compétences des cadres et de leurs parcours de carrière.
L’heure des doutes
Nous sommes alors en 2020, la pandémie éclate, les confinements se succèdent. « Forcément, on réfléchit à son avenir, à ce dont on a vraiment besoin. » Dorothée apprécie particulièrement son rôle de coach. « Je sens que c’est là que j’ai le plus d’impact concret et de retours positifs pour les agents, et donc les clients. »
Pour autant, longtemps Dorothée n’a pas désiré quitter son entreprise. Or, les choses peuvent vite évoluer. Car elle a petit à petit commencé à sentir que « les conditions » de travail se dégradaient et qu’elle ne pouvait plus mener à bien ses « missions ». À l’approche de l’été, elle trouve qu’elle est « KO », mais elle résiste encore un peu. « Je morcelle mes congés d’été afin de permettre à toute l’équipe de partir en vacances, puis pars me reposer à la fin de l’été. Toutefois, au moment de revenir, je n’y arrive pas…»
Elle a besoin d’une pause plus longue, elle le sait. « Il a fallu que j’accepte ce que j’ai eu. » Plus tard, elle prononcera le mot de « burn-out », « il y en a beaucoup dans les entreprises. » L’heure des doutes. Doit-elle revenir après une parenthèse, ou tout arrêter ? Mais pour faire quoi ?
Arbre remarquable
Dorothée choisit finalement de quitter l’aventure fin 2022, c’est qu’une opportunité s’est présentée par hasard. « J’ai accompagné ma fille en 3e à un événement pour réfléchir à la suite de sa scolarité, et je suis tombée sur le stand d’une association, qui m’a présenté son incubateur (Le Filon) visant à soutenir les structures de l’économie sociale et solidaire. » Elle leur parle de ses envies de coaching via la médiation équine et la sylvothérapie. Les membres de cette association l’incitent à postuler pour faire partie de sa promo en 2023. Dorothée tente le coup, et ça marche. Rapidement, elle lance son projet.
« C’est incroyable, en changeant d’écosystème, j’ai retrouvé tout de suite de l’énergie. » Et l’envie de « valoriser » l’espace qu’elle possède depuis quatre ans, à Lessy. Durant notre conversation, Dorothée porte le regard sur « un vénérable hêtre ». Elle aimerait qu’on lui attribue le statut d’arbre remarquable, visant à valoriser notamment les spécimens centenaires, en tout cas exceptionnels (comme a pu s’employer Florence Karras, dont Dorothée a suivi le parcours). Et puis elle entend aussi « créer un refuge LPO » pour protéger les espèces qui ont trouvé un cocon dans son jardin…
Défendre le vivant, coûte que coûte, ne jamais cesser…
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