Volte-face : Stéven Le Hyaric : écolo et aventurier de l’extrême

Par Philippe Lesaffre , le 4 août 2023 — Volte-face - 7 minutes de lecture
Rêve d'Himalaya, Crédit Pehuen Grotti

Rêve d’Himalaya, Crédit Pehuen Grotti

« Je n’en pouvais plus du sport de haut niveau. » Ex-cycliste devenu communicant dans le milieu des athlètes, Stéven Le Hyaric a tout lâché, sauf le vélo. Désormais « heureux », il traverse les territoires les plus « hostiles » pour sensibiliser à la fragilité de la planète.

Stéven Le Hyaric n’en est pas à sa première aventure. En début d’année, il a participé à l’Atlas Mountain Race, une longue course de 1 300 kilomètres au Maroc, qui s’effectue sur un territoire de montagne dans « des conditions extrêmes et hostiles », partage-t-il, sourire au coin des lèvres. Plus de 2 000 mètres d’altitude, un sol perdu sous la neige, jusqu’à -15 °C. Il faut de l’endurance, de la persévérance. Tenir bon.

Mais Stéven a l’habitude. Il en a fait de la route, dans des milieux inhospitaliers. En novembre dernier, il a traversé en solitaire le désert de Gobi, en Mongolie. « C’était extrêmement dur, se souvient l’aventurier de 37 ans, il faisait entre 5°C et -25°C. » Cette épreuve fait partie de son « Projet 666 ». Programme ambitieux qui le conduit à pédaler sur six déserts de six continents pendant six mois, ou plus exactement durant un mois à chaque étape.

Steven Le Hyaric, dans le désert, Crédit DR
Stéven Le Hyaric, dans le désert, Crédit DR

Le cycliste en a déjà réalisé deux, dont un en Namibie en 2021, un trajet de 4 300 km conclu en 18 jours, qui a été filmé par des personnes qui l’ont suivi. « Le désert du Namib, raconte-t-il, c’est l’un des plus vieux déserts au monde, il est là depuis 55 millions d’années. Je souhaitais montrer ses populations, ses paysages magnifiques, sa faune. » Un rêve d’enfant devenu réalité. « J’ai ressenti sur place une espèce de pureté, de calme. » Cela, malgré les difficultés physiques liées aux différences de températures entre la nuit (près de 0°) et le jour. « Cela peut monter à 50°. Ce n’est pas facile à gérer mentalement. » Un challenge d’autant plus compliqué que « 90 % de la zone traversée se trouve à 1 800 mètres d’altitude ».

Montrer les effets du réchauffement

Il arrive à aller au bout car il sait pourquoi il souffre. « Ma volonté est de montrer les effets du réchauffement climatique. Je veux mettre en lumière les conditions qui nous attendent dans 30 ou 50 ans si nous ne parvenons pas à changer nos habitudes. » De nombreux sujets l’animent. L’amoureux des courses de l’extrême, voyant tous ces déchets abandonnés sur les routes qu’il emprunte, notamment en Afrique, précise qu’il y a urgence à « arrêter la surconsommation de plastique, cesser avec les industries polluantes ». En pédalant aux quatre coins du globe, Stéven, accompagné par plusieurs sponsors, a aussi pris conscience, sur le terrain, à quel point « les réfugiés climatiques sont de plus en plus nombreux ». Ces messages, il les fait passer via les réseaux sociaux. Il diffuse de nombreuses photos. Et des films retracent ses parcours incroyables, comme son Paris-Dakar effectué en seulement vingt jours en 2019. A chaque fois, il en profite, quand cela est possible, pour venir à la rencontre des populations locales.

La compétition ? Non merci

Il semble épanoui dans ce rôle. Tant pis s’il peine, les mains sur le guidon, si le visage goutte à longueur de journée. « Je suis heureux comme ça. » On comprend que cela n’a pas toujours été le cas, loin de là. D’une lignée d’agriculteurs, né en région parisienne, il dit avoir toujours pratiqué le deux-roues… au point d’en faire son métier pendant quelques années, à mille lieues de la carrière de son père Patrick Le Hyaric, journaliste puis directeur de L’Humanité. Entré en politique dans les années 80, celui-ci a rejoint le Parlement européen un an avant que son fils, devenu cycliste Élite (le niveau juste en-dessous des professionnels), ne gagne, par exemple, une étape du Tour du Loir-et-Cher, en 2010. « J’ai roulé avec des garçons comme Adrien Petit, Romain Bardet ou Christopher Froome, mais je ne me sentais pas à mon aise. J’appréciais l’entraînement, pas du tout la compétition. En fait, j’aime jouer à faire du vélo, comme on joue au foot. » Alors l’ex-coureur du club cycliste (CC) Nogent-sur-Oise ou du CC Villeneuve Saint-Germain abandonne en 2011. Cela ne le rend pas « heureux ».

Portrait de Stéven Le Hyaric, Crédit DR

Mais quelle voie choisir ? Comme son aîné, il a pensé à enfiler la casquette de reporter, mais craignait d’être comparé à son paternel Patrick, qui a « plutôt bien réussi ». Alors il renonce aussi et opte dans un premier temps pour la communication. En attendant de trouver meilleure chaussure à son pied. « J’ai été consultant freelance pour des personnalités, explique le trentenaire, puis communicant pour une marque automobile pendant le Tour de France. » Puis il a rejoint la Fédération Française de Triathlon pour laquelle il a été « communicant durant les Jeux olympiques de Rio en 2016 ». L’étape de trop. « À ce moment-là, j’ai eu une forme de burn-out. Je suis parti alors au Népal, car je n’en pouvais plus du sport de haut niveau et de cette culture de la performance poussée à l’extrême, loin du bonheur. »

Donner envie de « faire du vélo »

Bien sûr, il prend un vélo avec lui. Entouré d’un sherpa et d’un caméraman aguerris aux conditions extrêmes, il parcourt 2 000 kilomètres et escalade 90 000 mètres de dénivelé positif en 51 jours. Le déclic, assurément. « J’ai passé du temps au sein d’un monastère, à un moment j’ai même voulu devenir moine bouddhiste. Depuis l’enfance, analyse-t-il, je suis un grand rêveur et je me suis souvent demandé ce qui pouvait me rendre bien dans ma peau. » Loin de tout, au cœur de l’Himalaya, il se ressource, part en quête de réponses. « J’ai pratiqué un petit peu de méditation silencieuse, rencontré Matthieu Ricard à Katmandou. » Et puis il retraverse la chaîne de montagnes dans le Sud de l’Asie, à vélo cette fois.

Et enfin il finit par trouver la voie du bonheur ! L’objectif, dès lors, est de pratiquer son sport à sa guise, d’explorer le monde et de raconter ses fragilités, afin qu’on arrive, collectivement, à le protéger…

Stéven Le Hyaric parcourt le monde à vélo, Crédit DR

Son histoire, aujourd’hui, résonne et inspire. « Je pense qu’un sportif qui a couru à un petit niveau comme moi peut donner envie de faire du vélo, d’autant que je pratique dans des lieux extraordinaires. Bon pour la santé, le vélo va devenir de plus en plus central, y compris en ville, à mon avis. » C’est ce qu’il indique en tout cas aux femmes et aux hommes qui participent aux stages à vélo qu’il propose régulièrement entre deux aventures extrêmes. Loin des grandes compétitions professionnelles…

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Philippe Lesaffre

Journaliste depuis une dizaine d'années, Philippe couvre l'actualité de l'écologie pour plusieurs médias comme Deklic, mais aussi Marcelle, Ekopo... Il est aussi le cofondateur du média indépendant Le Zéphyr, dédié à la protection de la nature et du vivant. Des sujets qui le passionnent.

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