Confusion possible entre les produits carnés et végétaux : la filière de la viande une nouvelle fois déboutée
Steaks, saucisses ou encore nuggets végétaux, des appellations qui continuent de hérisser les poils de la filière viande, dont les accusations de tromperies ont pourtant une nouvelle fois été déboutées le 20 décembre dernier. Dans Le Monde, un collectif de six responsables associatifs engagés pour le respect de l’environnement et la protection des animaux a de son côté tenu à rappeler que « les emballages de produits animaux port[aient] bien plus à confusion que des appellations comme “steak de soja” ».
« Vous reprendrez bien un peu de saucisse de tofu ? »
Nouveau revers judiciaire pour l’Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev), avec la fin d’un feuilleton judiciaire qui aura duré plus de cinq ans. Le 20 décembre dernier, la Cour de cassation a tranché en déboutant l’Association « pro viande », dans l’affaire qui l’opposait à Nutrition & Santé. Cette première s’inquiétait en effet d’une possible confusion entre steaks de viande et « steaks végétaux ». Depuis 2018, l’organisme de la filière bovine poursuivait donc le groupe Nutrition & Santé, propriétaire, entre autres, des marques Cereal bio et Soy, en insistant sur le fait que les produits végétaux proposés par ces marques présentaient une forme, une texture, ainsi que des noms assimilés à la viande : steaks végétaux, escalopes et nuggets de tofu ou de seitan, etc. Concurrence déloyale, parasitisme ou encore pratiques commerciales trompeuses : autant d’accusations proférées à l’encontre de l’industriel, expert du végétal.
Alors qu’entre 1961 et 2018, la production annuelle de viande a été multipliée par cinq et que celle-ci représentait en 2013 pas moins de 14,5% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, les appels à revoir nos modes de consommation affluent de toutes parts. On estime d’ailleurs « qu’entre une alimentation “classique” et un régime moins carné, les émissions de gaz à effet de serre passent de 1,6 tonne à 1 tonne de CO2 équivalent par an et par habitant »1. Une insistance légitime sur notre devoir collectif de rééquilibrer nos habitudes alimentaires, qui a pour effet d’inquiéter toujours plus la filière de la viande, dont les parties prenantes ne cessent de s’attaquer aux producteurs d’alternatives végétales.
Le 20 décembre dernier, la Cour de cassation a toutefois donné raison à ces fabricants de steaks et autres saucisses végétales, en déboutant Interbev et en clôturant ainsi des années de procédure. Une décision qui s’inscrit dans la continuité du verdict de la cour d’appel de Rennes, rendu en avril 2022, sur ce même dossier. Les juges d’appel avaient justifié leur arbitrage en précisant que « le risque de confusion entre les deux catégories de produits et donc d’erreur par le consommateur [n’était] pas établi ». Ils estimaient que le consommateur « [n’était] pas trompé par la présentation des produits dès lors que les mentions sur les emballages et dans les publicités [affirmaient] toujours clairement la composition végétale des produits ».
Produits végétaux VS produits carnés : à qui sera le plus confus ?
De leur côté, six responsables associatifs engagés pour le respect de l’environnement et la protection des animaux ont profité de l’occasion pour faire paraître dans Le Monde une tribune dont l’intitulé ne prête quant à lui pas à confusion : « Les emballages de produits animaux portent bien plus à confusion que des appellations comme “steak de soja” ». À ce jour, la législation qui entoure les emballages de viande oblige les fabricants à indiquer l’origine de celle-ci (pour les espèces porcine, ovine, caprine, ainsi que pour la volaille), ainsi que les lieux d’élevage et d’abattage. Le lieu de naissance de l’animal peut quant à lui être mentionné de façon volontaire. « Pour la viande bovine […] il est obligatoire d’indiquer les lieux de naissance, d’élevage, d’abattage ». Nulle obligation toutefois de faire apparaître sur les emballages les conditions d’élevage.
Pourtant, dès 2013, la campagne « Question d’étiquette »* estimait « qu’un étiquetage obligatoire en fonction du mode d’élevage pour les produits carnés et laitiers [était] la meilleure façon pour la Commission [européenne] de satisfaire son ambition d’informer les consommateurs ». Une position largement plébiscitée par les consommateurs. D’après une enquête menée par les analystes indépendants de Qa², ceux-ci affirmaient :
- Être très fortement favorables à une extension de l’étiquetage selon le mode d’élevage à la viande et aux produits laitiers.
- Avoir une bonne connaissance de l’étiquetage européen des œufs.
- Être fortement favorables à la présence d’informations utiles sur l’emballage.
Cette étude indépendante démontrait sans équivoque le besoin d’avoir à disposition un étiquetage révélateur du mode d’élevage des animaux, de la même façon que l’étiquetage obligatoire des œufs coquille2. Pourtant, plus de dix ans plus tard, aucun changement en vue. Alors que la filière de la viande continue de considérer qu’une confusion est possible entre un steak de soja et un steak de bœuf, pas un seul produit carné ne fait mention de ces informations essentielles. En d’autres termes, est-ce qu’on ne prendrait pas un peu les consommateurs pour des jambons (végétaux) ?
*Partenariat entre CIWF, la RSPCA, la Soil Association et la World Society for the Protection of Animals
2Source : Question d’Etiquette – Une enquête majeure auprès des consommateurs révèle leur soutien écrasant en faveur d’un étiquetage selon le mode d’élevage pour la viande et les produits laitiers
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