Volte Face : Pablo Lerey, aujourd’hui distillateur nature
Pendant longtemps chimiste pour des entreprises, Pablo Lerey a ouvert une distillerie indépendante dans le Tarn en 2020 pour fabriquer des eaux-de-vie naturelles. Il nous raconte pourquoi il a, à un moment, voulu changer de voie et ce qui l’anime désormais.
Il nous répond au cœur du vignoble de Gaillac, à quelques encablures de Toulouse. Pablo Lerey a lancé en 2020 à Campagnac, sur un plateau situé entre la vallée du Tarn et de l’Aveyron, sa distillerie naturelle du Chant du cygne. Vieux rêve qui le poursuivait depuis plusieurs années. « Je me sens aujourd’hui épanoui, mon activité au plus près de la nature me plaît beaucoup », dit-il.
Or, Pablo, 34 ans, a mis un certain temps avant d’identifier ce qui pouvait le satisfaire au quotidien. Lui ne « regrette » absolument pas son parcours qui a précédé sa bifurcation et son déménagement à la « campagne ». Finalement, l’ensemble de son expérience professionnelle variée l’a bien aidé à … maturer son projet de vie. Cela a « infusé » pendant plusieurs années, comme il nous le raconte, les souvenirs plein la tête.
Après des études de chimie à Lyon, Pablo a évolué au sein de plusieurs entreprises, à l’instar du groupe industriel chimique Rhodia, ou dans des centres de recherche comme l’Institut Français du Pétrole, rebaptisé, précise-t-il avec le sourire, IFP Énergies nouvelles. Et puis il a eu envie (ou besoin ?) de changer d’air. Avec son amie de l’époque, il a mis le cap en 2015 vers l’Amérique du Sud. Pendant une année, les deux se sont rendus en Argentine, au Pérou, au Chili, en Bolivie, au Paraguay ou encore en Uruguay.
« J’étais hyper déconnecté de la nature »
Un voyage initiatique qui l’a marqué : « J’ai vécu dans des endroits reculés, j’ai pu contempler la faune sauvage, étudier le cycle des saisons, m’initier à la cueillette, à la permaculture et au travail manuel. » Loin de tout, Pablo a découvert le travail à la ferme, les paysans lui offraient en échange le gîte et le couvert. Il a logé chez l’habitant ici ou là et a fini par comprendre, ainsi, ce qui était essentiel pour lui. « J’ai réalisé que je ne souhaitais plus vivre à la ville. »
Lui, qui a vécu jusqu’au baccalauréat à Valence dans la Drôme, a toujours évolué en ville. « J’étais hyper déconnecté de la nature. De l’autre côté de l’Atlantique, j’ai appris à faire pousser des plantes, je ne savais pas comment m’y prendre avant. Et on m’a montré, moi le Français, comment on fabriquait du pain. C’est dingue ! » L’aventure restera gravée en lui à jamais.
Le livre qui a changé sa vie
Retour en France, il déménage au Havre, où il a de la famille. L’heure du grand questionnement. Il se demande ce qu’il désire vraiment entreprendre, et où. « Un jour dans une médiathèque du Havre, raconte-t-il, je tombe sur un livre qui va tout changer, c’est l’ouvrage L’alambic : alcools, parfums, médecines, de Mathieu Frécon. On y trouve des informations en particulier sur les eaux-de-vie naturelles, à mille lieues des alcools d’origine industrielle. »
Une révélation, ni plus, ni moins. « Je découvre un métier dont j’ignorais l’existence, mais qui, tout de suite, m’attire beaucoup. Souvent, je me suis demandé pourquoi j’avais choisi de suivre des études de chimie. Cela avait été un mystère, j’avoue. Mais là, glisse Pablo, je comprends que je suis capable de mettre en pratique ce que j’avais appris il y a plusieurs années. » Et ce, dans un domaine qui a du sens pour lui. L’envie se concrétise, il veut pouvoir fabriquer de l’alcool de façon artisanale, lui le grand fana de vin.
Une vie au plus près des raisins
Chaque chose en son temps, Pablo ne se précipite pas. Dans un premier temps, il s’installe à Toulouse, une région qui l’intéresse. Dans un second temps, il accepte de travailler pour Merial, société pour laquelle il participe à la conception de vaccins pour les animaux. Intérim, CDD, CDI… Pablo ne refuse aucun contrat, car il a besoin de mettre de l’argent de côté afin de réussir à créer sa distillerie.
Autour de la Ville rose, il rencontre de nombreux producteurs de vins nature. Le déclic. C’est décidé, précise-t-il : il s’installera au plus près des vignes en milieu rural, tout simplement afin de « se rapprocher de la matière première » dont il a besoin. En septembre 2020, après avoir obtenu une rupture conventionnelle de la part de son ex-employeur, il parvient à ouvrir la distillerie du Chant du cygne, dans le Tarn.
Création et… sensibilisation
Sa principale activité consiste à distiller du vin : « Les vignerons des environs me donnent du marc de raisin, mais aussi du vin nature qu’ils n’ont pas mis en bouteille, ayant constaté des défauts. Je peux les gommer et ainsi donner aux boissons une seconde vie. » Il obtient de l’eau-de-vie dans laquelle il ajoute quelques ingrédients locaux. Tant des plantes, des baies et des racines qu’il ramasse dans le coin, ainsi que dans son jardin, puisqu’il cultive désormais également.
Pablo vend ses absinthes, ses eaux-de-vie de vin ou de fruits à des cavistes, à des restaurants, à des épiceries fines et aux particuliers. Il passe du temps aussi dans des salons de spiritueux ou dans des marchés de Noël pour proposer, tout fier de lui, ses créations sans intrants et à base de produits naturels. Sans oublier de sensibiliser et prêcher la bonne parole. Signataire du manifeste des gnôles naturelles, le jeune entrepreneur a adhéré à l’association des distilleries indépendantes dans l’idée de promouvoir un certain nombre de savoir-faire. Il s’en chargera notamment pendant le Salon des gnôles et des spiritueux naturels le 22 octobre à Paris au cours duquel il pourra rencontrer des gens. « L’idée est de défendre les petits acteurs face aux grands groupes industriels ultra dominants dans le secteur de la boisson. Les gens connaissent souvent des vignerons, pas des distilleries indépendantes… » Ce sera l’occasion de se présenter.
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