L’avion vert : chimère ou réalité ?
Le secteur de l’aviation est l’un des plus émetteurs de gaz à effet de serre au monde. Afin de tenter d’enrayer son impact sur l’environnement, les nouvelles technologies ainsi que les éléments de langage pour les désigner abondent. Parmi les derniers termes en vogue, on peut citer “l’avion vert”. Toutefois, que recouvre ce concept ? L’avion vert rime-t-il vraiment avec la neutralité carbone ? C’est ce que nous allons voir dans cet article signé Déklic !
Qu’entend-on par avion vert ?
L’avion vert est un terme employé par de nombreux médias et politiques afin de désigner des avions fonctionnant avec des carburants dits “verts”. Parmi ces carburants, on peut citer les biocarburants, les carburants de synthèse ou encore l’hydrogène.
Toutefois, l’expression “avion vert” est controversée : pour les associations, les activistes et certains scientifiques, il s’agit d’un élément de langage trompeur, comparable à du greenwashing.
Quel est l’impact de l’avion sur l’environnement ?
Pour comprendre la prévalence du terme “avion vert” dans les discours officiels, il faut d’abord prendre conscience de l’impact qu’à l’aviation traditionnelle sur la planète.
D’après l’association WWF, “dans le monde, les transports en avion sont responsables de près de 7 % des émissions de gaz à effet de serre.” A l’échelle individuelle, “un vol aller-retour de Paris à New York produit des émissions de l’ordre de 3,2 tonnes d’équivalent CO2 par passager.”
En plus des émissions de gaz à effet de serre, l’avion produit des traînées de condensation dans le ciel, communément appelées “chemtrails”, qui ont pour effet d’accentuer le forçage radiatif positif et donc le réchauffement climatique.
Développement de l’avion vert : une volonté politique
Nous le disions : l’avion pollue et accélère le dérèglement climatique.
En Europe
Dans le cadre du paquet législatif Fit for 55, et afin de tenter d’atteindre la neutralité carbone, l’Union européenne s’est fixée comme objectif de favoriser l’utilisation de carburant dit “durable” au détriment des carburants d’origine fossile comme le kérosène.
Un calendrier d’interdiction progressif a été mis en place :
- 2 % des carburants d’aviation devront être durables en 2025 ;
- 6 % en 2030 ;
- 20 % en 2035 ;
- 34 % en 2040 ;
- 42 % en 2045 ;
- 70 % en 2050.
Ambitieux, cet objectif, vous dites ? 🤔
En France
En France, l’avion vert séduit aussi. Emmanuel Macron a annoncé lors du Salon du Bourget 2023 débloquer des millions d’euros pour soutenir l’investissement dans la construction de “petits avions hybrides, électriques ou à hydrogène” et le développement d’agrocarburants.
Carburer au vert : suffisant pour être qualifié d’avion vert ?
Quand on parle d’avion vert, on se réfère en général aux carburants utilisés par ces appareils. Ces derniers sont désignés par l’acronyme CDA en français (carburant durable d’aviation) et SAF en anglais (sustainable aviation fuel). Parmi les carburants verts certifiés durables par les normes internationales, on trouve : le biocarburant de deuxième génération, le carburant de synthèse et l’hydrogène.
Les biocarburants
Les biocarburants pour l’aviation sont comparables aux biocarburants pour le transport routier. Il s’agit de carburant produit à partir de la biomasse, soit des déchets organiques tels que des résidus agricoles ou forestiers, d’algues, ou encore d’huiles de cuisson usagées. Pour être conformes, les biocarburants doivent être de seconde génération, c’est-à-dire qu’ils ne doivent pas empiéter sur la production agricole vivrière.
Les électro-carburants
Autre carburant dit vert : l’électro carburant (e-fuel). Il s’agit d’un carburant de synthèse produit à partir de dioxyde de carbone préalablement capté et d’hydrogène. Si sur le papier, la captation de carbone semble intéressante, dans les faits, cette méthode de production est très énergivore… Pour l’instant, elle n’est qu’au stade d’expérimentation.
“Pour l’instant, on ne produit des électro-carburants qu’à petite échelle et il n’y a pas de projet commercial car il y a beaucoup d’incertitudes liées aux prix. Le problème, c’est l’importation à plus grande échelle”, explique Florian Simatos, enseignant-chercheur à l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace.
L’hydrogène
Enfin, l’avion à hydrogène. Cette technologie n’est pas encore mature car elle oblige à construire des avions spécialement conçus pour consommer cette énergie. En effet, l’hydrogène sous forme liquide prend de la place et doit être conservé à – 253 °C.
A l’heure actuelle, seul Airbus prévoit d’investir dans ce type d’appareil d’ici 2035.
“L’avion vert n’existe pas” ?
C’est en tous cas ce qu’affirme Charlène Fleury, coordinatrice du réseau citoyen Rester sur Terre/Stay Grounded France. Pour elle, l’avion vert est un mirage.
Tout d’abord, parce que remplacer des carburants d’origine fossile par des carburants verts ne va pas résoudre la crise climatique. En effet, un rapport de la Cour des comptes en 2020 estime que les carburants durables présentent “un bilan environnemental négatif et un bilan climatique décevant”.
Face à la chimère de l’avion vert : la sobriété énergétique
Le GIEC nous le répète depuis des années : la seule solution face à la hausse des températures mondiales est la sobriété énergétique et non la course à l’innovation. Même son de cloche pour l’Ademe qui a publié un rapport sur le transport aérien en 2022 avec comme première recommandation “la modération du trafic » aérien.
A l’échelle des particuliers cela signifie : moins prendre l’avion et privilégier des modes de transport alternatifs comme le train ou le bus lorsque cela est possible.
A l’échelle des responsables, cela peut prendre la forme d’une taxe carbone sur le kérosène ou le plafonnement du nombre de vols.